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Entretien au sujet des deux nouveaux ouvrages !

Mustapha Chérif : « Islam, musulman, croire,

signifient « se mettre en état de paix »

Un entretien avec Mustapha Cherif, philosophe, expert du dialogue des cultures et des religions, professeur à l’Université d’Alger et directeur scientifique du Master International en Civilisation musulmane à l’Université Ouverte de Catalogne. Auteur d’une dizaine d’ouvrages, il vient de faire paraître aux éditions Al Bouraq à Paris (et à l’ANEP à Alger)  « Le Coran et notre temps » et « Le Prophète et notre temps ».

Pourquoi ces livres aujourd’hui sur le Prophète et le Coran?

L’avenir du monde dépend en partie du dialogue interculturel et de la relation entre les deux rives de la Méditerranée. L’ignorance a pris trop de place. L’islam est méconnu et l’objet de controverses. La littérature qui existe à son sujet est souvent celle du dénigrement, de la désinformation, de l’islamophobie, d’orientalistes et néo-orientalistes aux visées malsaines, et celle d‘intellectuels dits de culture musulmane qui se renient et se flagellent ; ou bien au contraire celle de l’apologie et du sentimentalisme de musulmans qui ne savent pas transmettre le vrai message, notamment en direction des non-musulmans.

Le Prophète est un modèle par excellence de l’humain pleinement équilibré et ouvert que le monde dominant ne connait pas. Il est celui qui est venu donner du sens et apprendre à l’humanité à surmonter l’épreuve du vivre-ensemble, de manière juste, digne et responsable. Il a libéré l’humain, contre toutes les formes d’oppression, institué la sécularité, encouragé la bonne gouvernance, l’Etat de droit et la citoyenneté, cela n’est pas assez connu.

Mon essai sur le Prophète ne se contente pas de relater sa biographie. Il présente un  éclairage nouveau dans un langage accessible, moderne, en fonction des interrogations de notre temps.Quelles décisions le Prophète aurait pris aujourd’hui face à tant de défis? J’analyse des concepts et des événements clefs de son œuvre, afin de montrer que les questions  qui étaient centrales pour le Sceau des prophètes, celles du sens de la vie, de la justice et du comportement sage, rationnel et civilisé, sont d’actualité.

Aujourd’hui, parce que notre époque est en profonde crise et que des usurpateurs du nom de l’islam favorisent la confusion, il est nécessaire de se souvenir de l’Homme total et universel, le guide qui a permis la civilisation musulmane. Il écoutait, consultait et réfléchissait toujours avant de prendre une décision.En tirant les leçons de la vie et de l’œuvre du Prophète, nous apportons des réponses claires aux questions que des musulmans et des non-musulmans se posent.

S’humaniser, réfuter toutes les formes d’indignité, d’extrémismes, d’idolâtrie, de violence, défendre les droits humains, le droit à la différence et la stricte légitime défense en dernier recours, en forgeant une société fraternelle et du savoir faisaient partie des priorités du Prophète. C’est à des années lumière de ce que la propagande religiophobe et celle des fondamentalistes, tout à la fois, laissent entendre.

Quel est le public visé par  vos deux  ouvrages ?

Il s’agit de tenter de présenter le vrai visage de la civilisation musulmane, qui, contrairement à ce qui est colporté ou mal pratiqué,  se fonde sur la sécularité, l’égalité homme femme et le respect du pluralisme. Mes ouvrages, s’adressent à tout le monde, sans limites, à nous-mêmes pour  progresser et sortir des visions étroites et idéologiques, avancer sur la voie du développement harmonieux.  Ils  s’adressent aussi  à  l’Occident, pour sortir des amalgames et des impasses. Chacun doit sortir de ses points d’aveuglements. D’autant qu’il y a des occidents et des orients et que les deux mondes sont imbriqués, liés, mêlés. Malgré elle, notre religion est instrumentalisée, sujette  à des controverses, des stigmatisations et des préjugés inadmissibles.

L’intégrisme et le fondamentalisme sont l’anti-islam. La civilisation  musulmane est incomprise et injustement déformée par certains des siens et par des non-musulmans. En Occident, même si le  génie  du Prophète est parfois reconnu par des savants, et que tous ne confondent pas entre religion et fanatisme, sa grandeur et son œuvre sont méconnues par un grand nombre. Les xénophobes, les islamophobes,  pour faire diversion, prenant prétexte de l’usurpation du nom par une minorité d’inauthentiques musulmans, trompent les opinions publiques.

En ces temps de mondialisation agressive et inégalitaire, les délires anti-musulmans prennent des proportions démesurées, exacerbés par la méconnaissance et des visées inavouées; alors que l’enjeu de notre époque devrait être le vivre-ensemble, la primauté du droit et la recherche d’une nouvelle civilisation universelle commune, par-delà les différences et les divergences. Il nous faut pratiquer l’autocritique, communiquer, expliquer, preuves à l’appui, qu’il n’y a pas d’alternative raisonnable au dialogue et au partage, énoncer clairement nos valeurs, pas seulement dénoncer les mensonges proférés.

Il s’agit avant tout de cultiver, d’instruire, d’enseigner, d’éduquer afin de faire reculer l’ignorance sur des questions essentielles. Etre citoyen européen, ou du monde moderne,  et croyant est évidemment possible et visible. En ces temps de malaise et de crise dans la culture, la politique, l’économique, c’est une chance pour tous que la question de la civilisation, de la transcendance et de l’éthique se repose de nouveau.

Quelle est la relation entre la civilisation musulmane et le développement ou le sous-développement ?

La civilisation musulmane, bien comprise, l’une des plus belles de l’humanité, a favorisé durant des siècles le vivre-ensemble et le développement équilibré, pas seulement matériel, malgré des péripéties difficiles. Rester soi-même, tout en évoluant, et s’ouvrir au monde est le bon chemin. Le citoyen de confession musulmane est capable de progrès et peut exprimer tous les besoins humains de son déploiement existentiel, s’il base son existence sur le savoir et l’éthique spirituelle.

Produire des richesses, des idées et du bien, se développer,  est une exigence, tout en respectant une éthique, des finalités. Cela signifie que si aujourd’hui des pays musulmans sont en retard économiquement et scientifiquement, le problème n’est évidemment pas l’islam, mais la responsabilité de musulmans et leur comportement, selon le contexte social, politique et historique. Nul n’est immunisé pour toujours. Les causes multiples du retard actuel et des insuffisances sont d’ordre interne et externe, elles concernent les questions de la bonne gouvernance, de l’Etat de droit, de l’économique et du rapport à la science.

Malgré des progrès et acquis, et le monde musulman est hétérogène, les problèmes de la qualité du savoir, de l’éducation, de la recherche scientifique, de la culture, sont insuffisamment pris en charge; des despotismes non éclairés et les populismes qui instrumentalisent le sacré, aggravés par la domination inique du monde développé techniquement, hier sous forme de colonisation, aujourd’hui en termes d’hégémonie, d’ingérences et de libéralisme sauvage, rendent difficiles les voies du développement durable et alternatif.

Mais le mouvement d’émancipation et de développement se prouve en marchant, les citoyens de confession musulmane de partout et les sociétés de la rive Sud, dotés de valeurs éthiques et du sens de la dignité, résistent et aspirent au sens, à la justice, à plus de bien-être et à la coexistence. Je reste confiant, malgré la complexité de la tâche.

Vous défendez donc l’accord entre authenticité et progrès, entre raison et éthique, pourquoi et quelle est la relation entre eux ?

Ce qui compte c’est articuler, sans confusion ni opposition, les dimensions essentielles de l’existence.  Les atouts existent pour répondre aux nouveaux besoins et attentes des populations désorientées. Il faut s’y atteler, en s’ouvrant au monde dans la vigilance, en revivifiant nos repères et en s’impliquant. Il s’agit de réaliser l’articulation entre authenticité et progrès, entre le spécifique et le mondial, entre l’autonomie de l’individu et l’être commun. Ni communautarisme, ni individualisme déshumanisant. Dans ce sens, la culture doit assumer sa fonction de formation de la citoyenneté et du lien social.

Dans la civilisation, il n’y a aucune raison de choisir entre des dimensions complémentaires, l’authenticité et le progrès, entre éthique et raison, entre l’un et le multiple, elles sont indissociables et complémentaires. Communauté du juste milieu, il faut tenir aux deux dimensions, sans les confondre. L’éthique s’adresse à la raison pour l’éclairer et non pour la contredire. Aucun précepte coranique ne s’oppose à la raison, au bon sens et à la science. Des interprétations passéistes, limitées,  incultes et contradictoires peuvent aboutir à des résultats et comportements illogiques. C’est la responsabilité des élites de les corriger.

Croire en islam ne signifie pas « soumission » c’est une mauvaise traduction classique. Islam, musulman, croire, signifient « se mettre en état de paix », « faire confiance », dans la vigilance, pour nouer un lien profond avec le monde et l’au-delà du monde, se libérer et assumer ses responsabilités. Dans ce sens, s’attacher à une éthique c’est refuser l’inculture, le fanatisme, les pulsions de violence et les prétentions. Au contraire cela veut dire respecter le droit à la différence, la nature, autrui, les symboles communs, le bien commun, avoir des buts, des principes et assumer sereinement son destin propre. Ce sont des actes de sociabilité, d’humanisation, d’épanouissement.

Vous donnez une priorité majeure à l’éthique, pourquoi ?

Le Prophète mettait l’accent sur cette dimension. C’est ce qui manque le plus au monde actuel. La marchandisation de l’existence aggravée par l’athéisme dogmatique, ou sa fétichisation perpétrée par le fanatisme religieux, mènent à des impasses. Ethique spirituelle et raison sont deux dons en islam qui ne se contredisent pas. Rechercher le progrès au moyen de la raison est un acte naturel. Nous avons le droit de dire : science sans conscience, sans morale, sans éthique n’est que  ruine de l’âme.

Nous avons aussi le devoir de rechercher librement le progrès sous toutes ses formes, et en même temps sans éthique, cela devient inhumain. Nous sommes confrontés à deux formes d’extrémismes : la tendance qui a peur de la liberté et celle qui a peur du sacré, elles instrumentalisent l’une ou l’autre pour des buts étroits. Dans le monde musulman contemporain, la mauvaise compréhension de la religion est une des causes des retards en matière de développement, mais  ce n’est pas à cause de la religion en soi.

Puisque c’est grâce à elle que les arabes, les berbères et de nombreux de peuples autour de la Méditerranée et au-delà, turcs, persans, africains, asiatiques, européens et des juifs et des chrétiens etc…ont connu la civilisation universelle musulmane et le progrès scientifique durant des siècles qui s’appuyaient sur la liberté et l’éthique. Tout dépend en conséquence des conditions socio-historiques et de la place que l’on réserve au savoir, à l’éthique et à l’Etat de droit, trois priorités.

Dans tous les cas, il ne faut pas confondre le spirituel et le temporel, sans les opposer, tout en recherchant l’accord entre authenticité et modernité, ce qui signifie aussi entre liberté et éthique. Il n’y a pas de liberté sans loi, il n’y a pas de progrès sans liberté. Le Prophète est venu nous rappeler ces principes.

Quel message peut-on porter aux nouvelles générations ?

Sans élitisme, ni paternalisme, l’intellectuel doit sans cesse donner à penser, éveiller les consciences et cultiver les nouvelles générations, afin d’humaniser les rapports sociaux, contribuer à réaliser une société équilibrée, juste et solidaire, aider à l’unité, au rassemblement et à la formation d’une Nation apaisée, traversée par le souffle de l’être commun. Il faut la force de la passion du pays et de l’humanité, il n’y a rien de plus beau pour tout être humain digne de ce nom.

La force d’une société ce sont ses citoyens éduqués, cultivés, patriotes, et qui se respectent mutuellement dans leur diversité. Une citation du Prophète(hadîth) est à cet égard significative :«Je suis venu  parachever  l’éducation humaine». L’interconnaissance, se cultiver, pour apprendre à vivre ensemble, détermine l’avenir. Le XXI eme siècle et l’ordre mondial seront justes ou ne seront pas.

Entretien réalisé par  la rédaction site www.oumma.com

Le Coran et notre temps (aux éditions Al-Bouraq, Paris) (et Anep à Alger)

Le Prophète et notre temps (aux éditions Al-Bouraq, Paris) (et Anep à Alger)

Retour à L’éthique

Retour à L’éthique

Par Mustapha Cherif

La culture arabo-musulman vise l’éthique et au vivre ensemble dans la paix. Il n’y a pas d’alternative au dialogue des cultures. La recherche d’une mondialité juste repose sur l’échange, le partage et sur des règles éthiques, auxquelles nul ne devrait déroger. La question de l’éthique est centrale. Elle n’est pas une simple question de morale, elle précède toute autre dimension dans l’ordre du fondement. Elle concerne la conception du monde, les normes universelles, les conditions du lien social et de la Cité juste, en somme le code de conduite des Etats, des sociétés et des individus. Notre époque, est celle du malaise de la civilisation, de la crise de confiance, des valeurs, de la crise économique, de l’écart entre théorie et pratique.

Un monde juste qui a du sens

Le libéralisme sauvage, marqué par la perte de l’éthique, perturbe l’humanité. Par delà des progrès prodigieux sur le plan des sciences et des techniques, des bienfaits de la liberté pour favoriser l’autonomie de l’individu, de la recherche scientifique et de l’entreprise en économie, un malaise profond traverse notre temps. Se pose la question clé liée à l’éthique: quelles sont les finalités? La majorité des citoyens du monde recherche un monde plus juste qui a du sens.

La rupture entre l’éthique et les activités sociales, la marchandisation de l’existence, le non respect du droit et le double standard sont rejetée par de nombreux courants: progressistes, altermondialistes, écologistes, humanistes, spiritualistes et hommes et femmes de bonne volonté. L’heure ne peut être qu’au retour de l’éthique. Dans le monde entier, l’oubli des valeurs éthiques produit un effondrement de l’horizon civilisationnel. Une vision de l’avenir liant science et éthique, économie et morale, doit guider les chercheurs. L’éthique et la morale, depuis trois siècles, sont souvent considérées par le monde «libéral», comme la survivance de coutumes révolues.

L’idée de progrès s’est imposée à la pensée moderne en vertu d’un travail opposé à l’éthique. Le laisser-faire, laissez-passer, la loi du plus fort, la rupture entre raison et éthique, et l’absence d’exemplarité ont abouti à la permissivité, au relâchement du lien social, à des impasses. La nature et la société sont perturbées, tant sur le plan écologique qu’au niveau de la biologie et du psychisme humains. Des dérives caractérisent le système mondial dénué d’éthique. Aujourd’hui, les citoyens, de partout, recherche une vie digne et équilibrée, les élites sont face à leurs responsabilités pour œuvrer dans le sens de l’intérêt général, s’engageant pour le long terme, dépassant tous les calculs étroits.

L’éthique est aussi naturelle que l’air que l’on respire, lié au sens du monde. Elle a participé, et le peut encore, de manière décisive, à la civilisation.
Le monde marchand s’est formé dans une métamorphose du rapport général au monde qui privilégie l’individu autocentré niant les valeurs éthiques. Une ligne dominante est visible: l’immoralité et la politique des deux poids, deux mesures.

Un avenir reste encore possible

Le monde du libéralisme sauvage et de la politique du double standard, et celui de l’extrémisme, perturbent les fondements de l’humanité. Ceux qui pratiquent l’apologie du système dominant, la fuite en avant, la démagogie tout comme ceux qui le dénigrent sans discernement et n’ont pas d’arguments face à ce constat critique et concret, se drapent des oripeaux de « l’optimisme » pour les uns ou du péssimisme pour les autres, , pourtant, il ne s’agit en rien d’être « pessimiste ou optimiste», mais de dénoncer les dérives, la propagande, la désinformation, et énoncer les voies du vivre ensemble, en dialoguant, en somme de se tourner résolument vers l’avenir. N’est irrésistible que ce à quoi on ne résiste pas, un avenir reste encore possible.

La question indépassable de l’éthique, de la morale et du sens, se pose plus que jamais pour toutes les activités humaines. Pour qui adhère aux valeurs de l’esprit, il est clair qu’il y a de moins en moins de liens possibles entre la conception hégémonique et le sens de la vie auquel les peuples sont attachés. Ce ne sont plus des références éthiques qui gouvernent le monde, comme l’a fait, durant des siècles le monothéisme, mais une logique coupée du sens. La modernité unilatérale a permis de l’émancipation et en même temps a produit des inégalités, des injustices et de la déshumanisation.

Aujourd’hui, de plus en plus de peuples prennent conscience de ce paradoxe et se veulent modernes et humains, libres et conformes à une éthique. Lier authenticité et progrès est le but. Cette exigence est prometteuse. Cela signifie que l’on peut répondre à la désignification du monde, autrement que par le repli ou la depersonnalisation.
La crise appelle au dialogue, à un retour de l’éthique, à une transformation des valeurs des finalités et significations que nous devons réinventer. L’humanité n’a pas abdiqué. Les potentialités de notre univers, les richesses humaines et la science devraient permettre de surmonter les difficultés, si l’éthique est respectée.

Le retour à l’éthique est la voie

Les intellectuels et chercheurs ont pour tâche de reconstruire des réponses qui articulent authenticité et progrès, éthique et efficacité, harmoniser le spécifique et l’universel, l’individu et la communauté, l’unitaire et le pluriel, le permanent et l’évolutif. La fonction des intellectuels et scientifiques est essentielle pour réhabiliter ces relations. Face à la prise de conscience de citoyens de toutes cultures et de tous les pays, il est requis de contribuer à reforger le lien social.

Les atteintes à l’éthique dans tous les domaines, le recul du droit, la remise en cause de valeurs universelles et la perte de sens nécessitent une nouvelle pensée et une nouvelle gouvernance. Au vu des défis, nous devons plus que jamais réformer l’acte d’éduquer, de cultiver, d’instruire, pour forger de nouvelles générations qui ont le sens de l’éthique, de la morale, des valeurs d’intérêt général. Des générations responsables de leur devenir, vigilantes, capables de renforcer le lien entre citoyenneté et éthique, entre économie et morale, science et conscience.

Avec lucidité et détermination, donner l’exemple, en s’appuyant sur les trois dimensions essentielles : le droit, la science, l’éthique, afin de construire une société équilibrée est la priorité de notre temps, car la société de consommation, dénuée de sens et de justice, ou celle de la tradition fermée, ne peuvent êtres un modèle. C’est  le contraire de la civilisation. Sur la base de l’éthique, pratiquée, respectée, intégrée, nourrie par le dialogue interculturel et l’exemplarité, les jeunes retrouveront une culture humaine ouverte. Ils seront demain acteurs de leur devenir, pour forger une nouvelle civilisation universelle qui fait défaut. Le retour à l’éthique est la voie.

MC

La vie humaine civilisée

La vie humaine civilisée

La culture « arabe » peut nous aider à retrouver des valeurs civilisées. Le monde entier est confronté au défi de retrouver de la civilisation, qui fait défaut, de réaliser l’articulation entre authenticité et progrès, et plus encore le monde musulman qui vise la communauté médiane. Toute société raisonnable ne peut que réfuter les dérives du libéralisme sauvage ou ceux de la fermeture, qui produisent de la régression des comportements. C’est une question de valeurs éthiques et d’éducation culturelle. La culture est essentielle. Sans elle la société ne peut progresser, ni produire le beau, le juste et le vrai. La culture, qui n’est pas le folklore, a mille bienfaits. C’est l’air que respire l’humain civilisé. Préparer le futur est la responsabilité de tous, afin que les nouvelles générations soient éveillées, compétentes et éduquées. C’est l’enjeu, afin de ne subir ni la sous-culture de l’hégémonie mondiale, ni les effets dévastateurs de l’inculture sur le plan interne.

L’opinion publique considère que le thème du «dialogue des cultures et des civilisations» n’est pas assez opérant, comme coupé de la dure réalité. Cependant, tout un chacun sait aussi que dans un contexte de mondialisation, de recul du droit, et de crise, qu’il n’y a pas d’alternative à la culture, au savoir et au débat, pour favoriser le développement équilibré, la coexistence et le rapprochement entre les peuples. Il faut multiplier les espaces et les programmes culturels et donner à tous la possibilité de se cultiver.

Remède contre l’ignorance


Le premier but de la culture est d’être le remède contre l’ignorance. Des conditions favorables pour soutenir les créateurs et les rencontres culturelles sont vitales pour faire reculer les pratiques inhumaines ou rétrogrades et essayer de faire avancer la réflexion sur des sujets culturels fondamentaux. Malgré les problèmes inhérents au développement, les intellectuels, les créateurs et les universitaires devraient redoubler d’effort pour tenter de donner leurs points de vue sages et de marquer leur sens de l’ouverture culturelle. Il s’agit de l’avenir civilisationnel et de la possibilité de forger des citoyens producteurs de valeurs. Chacun devant se comprendre comme un pont entre le Nord et le Sud, entre l’Orient et l’Occident, entre le sommet et la base de la société et faire prendre conscience de la situation complexe et préoccupante et de la priorité à donner à la culture.

Deuxième but de la culture: elle fonde l’éthique, l’esprit scientifique et critique. Sans ces dimensions de l’exercice de la raison, point de développement cohérent. Ainsi, les manifestations culturelles et scientifiques méritent d’être menées de manière approfondie pour faire rayonner les comportements évolués. La solution réside dans la généralisation de l’acte culturel à l’école et dans le pays profond, la circulation des idées saines et la synergie des efforts. Dans ce sens, lier science et éthique est essentiel. Ethique et sciences sont inséparables. Le rapport entre progrès et valeurs morales, notamment en bioéthiques, est vital. Les pensées contemporaines face au défi de la bioéthique, des sciences et éthiques et des crises du comportement, doivent se renouveler pour contribuer à l’idéal commun. La marchandisation pose problème et le psychisme humain souffre en ces temps modernes.


La culture a pour troisième but de consolider le lien social, de renforcer l’amour de la patrie et le vivre-ensemble, de limiter les égoïsmes et les comportements fermés. Passé, présent et avenir, par les hommes et femmes de culture, sont convoqués pour confronter des points de vue. La mémoire est un thème privilégié, en vue d’informer les générations montantes sur l’histoire de leur pays et d’encourager l’écriture de l’histoire.
Les travaux des intellectuels et éducateurs permettent de faire avancer l’édition critique du patrimoine, pour mettre en valeur les apports authentiques.


Quatrième but, la culture forge un citoyen vigilant, conscient des enjeux mondiaux. Le citoyen inculte peut être influencé. La culture le dote des moyens de discernement. Le dialogue des cultures dépend de la manière dont les industries culturelles traitent de la question. Il s’agit de construire des moyens de production culturelle. Sur le fond produire des richesses culturelles pour défendre le bien commun, afin que le dialogue prenne la place de la logique insensée de la propagande du choc qui est une diversion. Les croyants et les humanistes doivent donner l’exemple afin d’éduquer, de responsabiliser et de mettre l’accent sur l’intérêt général.

Il est urgent de se cultiver, de cultiver, de réfléchir sur les enjeux et la responsabilité de tous, afin d’éviter que la méconnaissance, la violence et les fossés ne ruinent l’avenir. Les rencontres culturelles présentent l’avantage de regrouper une riche palette de spécialistes, représentative du vaste intérêt manifesté à l’égard de la culture, des intellectuels de divers horizons, des chercheurs et des universitaires, des représentants de la société civile, des académiciens.
La diversité des parcours intellectuels et professionnels témoigne de l’esprit de partage et de la richesse du pluralisme.

Respecter le droit à la différence

Cinquième but, la culture favorise le respect du droit à la différence et des biens communs. Développer la capacité de comprendre et respecter l’autre est essentiel. Le dialogue culturel crée une interaction, un échange instructif enrichissants qui ouvrent l’esprit et encouragent le partage des idées dans le respect d’autrui. L’information culturelle, à travers le livre, le cinéma, le théâtre, la musique, les arts plastiques et le patrimoine, est le moyen stratégique d’enrichir l’identité et d’explorer les différents processus et mécanismes par lesquels on forge un citoyen responsable et on prévoit les transformations pour les assumer.

Percevoir et comprendre les différences, élargir la vision du monde, approfondir la connaissance de soi-même pour bâtir un monde civilisé est le but. Cependant, l’ignorance, les préjugés mutuels et la tentative d’hégémonie mondiale peuvent freiner ces possibilités. Les peuples attendent une nouvelle civilisation, un nouvel ordre mondial culturel juste, où unité et diversité se conjuguent. Des citoyens cultivés et les débats culturels y contribuent. Les hommes de culture, dans leur diversité et leurs contrastes, doivent persévérer pour assumer leur vocation si vitale, au service de leur patrie et de l’humanité. La culture est à la base de toute vie humaine civilisée. MC

Jeûner

LA CULTURE SPIRITUELLE


Le Prophète (Qsssl) et le Jeûne

Par Mustapha CHERIF

La culture arabo-musulmane permet de forger des êtres de paix s’ils sont fidèles à leurs préceptes bien compris. Le mois sacré de Moharem est un excellent temps pour se cultiver et jeûner, notamment le 9 eme et 10 eme jours, qui rappellent la sortie d’Égypte du prophète Moise ( que la paix soit sur lui)  En ces temps dit modernes, marqué par l’oubli de la religion, l’oubli du sens de la vie, l’ignorance au sujet de la culture religieuse est grande. Le Jeûne est une excellente occasion pour rappeler des valeurs-clés. Le Prophète (Qsssl) aimait le mois du jeûne, Ramadhan plus que tous les autres mois de l’année. Il revivait le temps de l’annonce de la Révélation et la récitation du Coran. Le Prophète (Qsssl) recommande de faire l’expérience de la vie et, en même temps, il appelle à la retenue, à la mesure, à la maîtrise des désirs et des besoins, ce qui est sagesse. Se souvenir du Vrai et du but de la fin c’est cela le Jeûne. Dans cette dimension se nouent la cohérence et l’harmonie visées par l’Islam, entre la recherche du sens par l’homme et le projet de salut voulu par Dieu.

Jeûner c’est faire l’expérience concrète de la vie personnelle, intérieure, dont seul le Jeûne se veut dans ce sens, maîtrise de soi, abstinence mesurée en vue d’un retour à l’essentiel, à la prime nature. «Ô vous qui croyez, le jeûne vous a été prescrit comme à vos devanciers» (S2, V183), ce verset, par lequel débute le passage coranique relatif au mois de Ramadhan, indique d’emblée l’universalité du jeûne qui est un rite présent dans toutes les traditions. Il se distingue des autres oeuvres d’adoration en ce qu’il ne consiste pas à accomplir des actes prescrits mais à s’abstenir. Son essence est immuable, même si ses conditions et ses règles varient d’une forme traditionnelle à une autre.


Les actes dont il convient de s’abstenir; comme l’absence de nourriture, de boisson et d’acte sexuel, en sont seulement la modalité courante. Le Coran utilise pour désigner le jeûne deux termes de la même racine: siyâm qui se rapporte exclusivement au jeûne légal, et sawm, qui désigne le jeûne en tant que tel.
Ce dernier terme n’apparaît qu’une seule fois dans le Coran où il est mentionné, de manière fort significative, en relation avec la Vierge Marie: désespérée à la pensée du scandale que risquait de provoquer auprès des siens sa maternité exceptionnelle, elle reçoit de l’Ange Gabriel ce conseil: «Si tu vois quelque créature humaine, dis: « J’ai voué un jeûne (sawman) au Tout-Miséricordieux et je ne parlerai aujourd’hui à aucun homme »» (Cor. 19,36).

Le terme sawm désigne donc ici un «jeûne de silence», une abstention de parole. Une parole du traditionaliste Abu Umama relate un fait significatif: «Je m’approchai de l’Envoyé et lui dis: « Donne-moi un ordre que je prendrai directement de toi! » Il répondit: « Adonne-toi au jeûne, car il n’a pas de semblable ». Il n’a pas de semblable parce qu’il est dépourvu d’extériorité et de réalité propre, il est intime, invisible, et appartient tout entier au Créateur, dont le Coran dit: « Rien ne Lui est semblable »» (S.42, V11)


Le jeûneur se sent en contact avec Celui qui l’a créé, et qui le récompensera. Nul ne peut vérifier si vraiment untel jeûne, hormis «Dieu». Le jeûne dévoile intérieurement les dispositions du croyant à maîtriser ses désirs et ses passions, il ne s’agit pas de simples privations. Le Coran attribue au jeûne une forme de perfection. La tradition rapporte que «Dieu» réserve dans le Paradis une porte pour les jeûneurs, dénommée «al Rayyân». C’est un privilège considéré comme sans pareil.


Le juste milieu


Selon de nombreux commentateurs, notamment mystiques, il existe une analogie entre le jeûne et le pèlerinage. L’état de dépouillement et de sacralisation, ihrâm, comporte lui aussi des interdits, et des abstinences; comme le jeûne, il confère au pèlerin un statut spirituel élevé.
La différence réside dans le fait que, pour le jeûneur, cette qualité est intime, intérieure, tandis que le pèlerin manifeste ce lien intérieurement et extérieurement, dans les actes et rites. Les religions monothéistes en ces temps dits modernes, par-delà leur situation hétérogène et la vivacité de l’Islam qui maintient un rapport interhumain, perpétuent parfois leurs traditions dans le dogmatisme figé ou bien dans la dilution, dépassées par la société de consommation, elle-même incapable de faire place à une foi de la mesure.


L’Islam se veut la religion du juste milieu et de l’équilibre. L’harmonie, la cohérence, la complémentarité entre le croire et le vivre, les rapports ouverts au temps et à l’espace sont vitaux. Jeûner c’est réactiver ces qualités.
Sur le plan pratique et social, le fait de jeûner est aussi un moyen de penser aux défavorisés, aux pauvres, à ceux qui souffrent de la faim et des privations.
Le jeûneur doit prendre encore plus conscience de la valeur des biens que «Dieu» lui octroie, et par là évitera à la fois le gaspillage et l’avarice. Le jeûneur se réjouit de la rupture du jeûne (fitr) en équilibrant les droits du corps et de l’âme.


Le Prophète (Qsssl) au sujet du Jeûne durant le mois de Ramadhan aurait dit: «« Ô gens! Le mois béni est arrivé à vous avec la bénédiction, la miséricorde et le pardon ». C’est le meilleur des mois. Ses jours sont les meilleurs des jours, ses nuits sont les meilleures des nuits, ses heures sont les meilleures des heures. C’est un mois durant lequel vous êtes tous invités à être les hôtes du Seigneur et vous êtes placés au rang des gens honorés. Pendant ce mois, votre souffle est glorification, votre sommeil adoration, vos bonnes actions sont acceptées et vos implorations exaucées. Demandez à votre Seigneur avec une intention sincère et un coeur pur de vous faire réussir le jeûne et la lecture de Son Livre, car misérable est celui qui se trouve privé du Pardon pendant ce mois grandiose. Rappelez-vous en ayant faim et soif, la faim et la soif du jour du Jugement. Faites l’aumône à vos pauvres et à vos indigents.»


Il insistait au sujet du respect d’autrui: «Respectez vos personnes âgées et soyez miséricordieux envers vos jeunes. Renouez vos liens de parenté, faite attention à votre langue, détournez votre regard devant l’illicite et n’écoutez pas ce qui vous est interdit. Attendrissez-vous sur les orphelins des autres, on s’attendrira sur les vôtres. Repentez-vous de vos fautes et levez vos bras pour implorer Dieu aux heures de vos prières car ce sont les meilleures heures pendant lesquelles le Tout-Puissant regarde Ses serviteurs avec Miséricorde. Il leur répond s’ils s’entretiennent avec Lui. Il leur donne satisfaction s’ils L’interpellent. Il les exauce s’ils L’invoquent.»

Le bon exemple

Il rappelait que l’acte doit suivre la parole,  pour donner  le bon exemple: «O gens! Vos âmes sont prisonnières de vos actes, libérez-les en demandant pardon! Vos dos sont alourdis par vos fardeaux, soulagez-les en prolongeant votre prosternation. Sachez que Dieu a juré par sa Puissance de ne pas punir ceux qui prient et ceux qui se prosternent; de ne pas les effrayer par le feu de l’enfer le Jour où les gens se lèveront pour le Seigneur des mondes. ô gens! Celui d’entre vous qui, pendant ce mois, offre le repas de la rupture du jeûne à un jeûneur croyant, aura le pardon de ses fautes passées…»


Il utilisait des symboliques fortes et des allégories pour sensibiliser et responsabiliser les croyants: «ô gens! Les portes du paradis sont ouvertes pendant ce mois, demandez à votre Seigneur qu’elles ne soient pas fermées pour vous. De même, les portes de l’enfer sont fermées, aussi; demandez à votre Seigneur qu’elles ne soient pas ouvertes pour vous. De plus, les démons sont enchaînés, demandez à votre Seigneur qu’ils n’aient pas de prise sur vous.»
Jeûner devrait être une occasion pour l’examen de conscience et réémettre en question nos habitudes, nos défauts et insuffisances. Les préoccupations de nombre d’entre nous sont terre à terre, matérialistes, liées à la course pour le profit et la loi de la jungle.


Des rigoristes en profitent pour déformer la religion qui sert de refuge dans les périodes du désespoir. Le monde athée a perdu la boussole et déshumanise. Des religions de concessions en concessions ont perdu leur âme. L’islam de son côté est encore vivant. Il est temps de se souvenir de l’essentiel, de la sagesse et de l’éthique.
Les défis sont immenses. Il s’agit d’oeuvrer pour que la capacité des êtres humains retrouve du sens et de l’efficacité, qui ne soit pas un trop-plein en prétendant combler le vide.
Vivre de manière  ouverte, pieuse et juste était l’un des messages-clés du Prophète (Qsssl). Il ne faut jamais l’oublier.

Mustapha CHERIF

L’islamophobie : un piege !

L’islamophobie : un piege !

Un leurre, un contre-feu, une diversion

Par Mustapha Cherif

 

Un leurre, un contre-feu, une diversion, en l’occurrence l’invention d’un « nouvel ennemi » est en train de prendre une  dimension démesurée. Le sondage  IFOP-le journal le Monde, qui révèle que 40 % des français et allemands considèrent l’islam comme une menace et plus de 68% jugent que les musulmans n’arrivent pas à s’intégrer, est loin d’être une surprise.

Depuis des années nous tentons de sonner l’alerte, d’éveiller les consciences, d’attirer l’attention de tous pour éviter le contre-sens. Mais des médias et des forces politiques préfèrent les pyromanes. La thématique anti-islam et la banalisation du discours sur les prétendus dangers de l’islamisation font politiquement recette. C’est un piège qui occulte les stratégies en cours et les enjeux de demain.

La présence de l’islam dans les pays européens suscite  une crispation des opinions publiques. Des représentants du culte musulman tétanisés demandent aux pratiquants de tenir compte du contexte. Pourquoi des Occidentaux ont peur des musulmans? Il n’y a pas de hasard au sentiment. Ces délires infondés ou inquiétudes légitimes ont une pluralité de causes. La responsabilité est partagée.

La responsabilité des musulmans

La première cause réside dans le fait qu’une minorité parmi les citoyens européens de confession musulmane et d’autres à travers le monde trahissent l’islam et alimente la diversion. Comme hier pour les chrétiens, quand les guerres de religions et l’inquisition ont suscité un sentiment anticlérical et antireligieux, le terrorisme des faibles, l’apparition de courants fondamentalistes et la remise en cause de la liberté de conscience par des extrémistes nourrissent le sentiment antimusulman.

Le monde musulman, par-delà son hétérogénéité, empêtré dans le repli, les luttes intestines et la décadence, a des difficultés à se réformer, à réaliser la ligne médiane qui lie authenticité et progrès. Il cherche rarement à remédier intelligemment à ses contradictions et à mettre fin aux discriminations que subissent chez lui ses propres minorités. Dans ce contexte, sous prétexte que la question est politique ou mafieuse et non religieuse, il sous-estime les effets sur la mémoire collective occidentale de la peur du terrorisme des faibles, le poids des attentats du 11 septembre et d’autres comme ceux de Madrid et Londres.

Le monde musulman est faible, en déclin depuis au moins cinq siècle. Il présente une image négative au monde. Le déclin a commencé après la destruction de Bagdad par les Mongols en 1258. La date symbole de la fin de l’ère musulmane triomphante est 1492 correspondant à la chute du dernier émirat de Grenade en Andalousie. L’influence de l’esprit islamique éclairé va se réduire, même si la chute de Constantinople, qui va devenir Istambul, a lieu en 1453 et marque la fin de l’empire byzantin, ainsi qu’une nouvelle ère pour l’Empire ottoman.

L’Europe qui s’opposait prépara son éveil, qui va connaître l’apogée au XIXe siècle. Les résistances, comme celle héroïque de l’Émir Abdelkader, et les tentatives de renaissance ne purent freiner le déséquilibre. Le repli sur le formalisme et le fidéisme, ruinent l’image des musulmans. Des musulmans ont perdu de vue la signification véritable du Message révélé et la voie du Prophète. Ils s’attachent à la gestuelle et s’enferment dans le superficiel et la fermeture.  Ces musulmans oublient que l’exigence de liberté de conscience est coranique. Leur posture n’a rien à voir avec la lumière du Coran qui précise « nulle contrainte en religion », appelle à la réflexion et informe que le respect du droit à la différence, le savoir lié aux finalités et la liberté responsable sont la base de la cité civilisée.

Au cours du XX eme, jusqu’à nos jours, l’instrumentalisation de la religion sous forme d’idéologies sectaires, comme armes et l’utilisation de la violence aveugle, dans le cadre de la lutte pour le pouvoir, par tous les courants qui s’y rattachent, des « frères musulmans » aux « salafistes » et leurs émules les « talibans » et autres « chiites » radicaux exportateurs d’une pseudo-révolution,  trace le tableau d’une tragédie sans nom. 14 siècles d’une civilisation lumineuse, hospitalière et savante sont déformés depuis une trentaine d’année par les usurpateurs du nom, qui instrumentalisent l’Islam. Ils sont les premiers qui apportent de l’eau au moulin des xénophobes.

Le problème est d’abord interne au monde musulman, et les violences en Irak, au Pakistan et ailleurs en sont la dramatique démonstration. Aujourd’hui, environ 80% des musulmans du monde vivent sous des despotismes, dans la paupérisation et la fragilité et 40% sont illettrés. Ce monde est hétéroclite, faible et ne peut représenter une réelle menace. En décadence, sous-développé et dépendant, il est utilisé comme épouvantail. Il doit faire son autocritique. Rien ne peut justifier la haine contre l’Islam, qui n’a rien à voir avec la folie des hommes ignorants, assoiffés de pouvoir, aveuglés par le sentiment de vengeance et surtout manipulés. Accepter les critiques, sans conditions, se réformer, et ne pas tomber dans le piège est vital.

La responsabilité occidentale

La deuxième cause a trait à la stratégie du système dominant occidental qui a besoin d’un épouvantail pour faire diversion, en vue de tenter de réaliser la totalité de son hégémonie pour le siècle à venir. Après la chute du Mur de Berlin en 1989, la politique belliciste et le terrorisme des puissants qui manipulent, se sont réinventés un ennemi, pour faire écran aux visées et injustices. Cela terni l’image des musulmans et trompe les opinions. L’amalgame entre Islam et extrémisme, pierre angulaire de la propagande antimusulman, fonctionne sur le matraquage de médias et d’industries culturelles liées à des cartels d’intérêts qui diabolisent les musulmans.

Ce n’est pas une ruse difficile à mettre en pratique, car l’islamophobie et l’ethnocentrisme occidental sont anciens. Depuis 14 siècles l’Islam est déformé par des non-musulmans. Les xénophobes puisent dans l’imaginaire qui occulte le fait qu’entre l’Occident et l’Islam l’échange était plus décisif que les divergences.
L’amnésie et l’invention d’un adversaire ruinent les relations entre les communautés. Il ne saurait y avoir d’entente avec celui que l’on traite d’entrée de jeu comme un ennemi potentiel, dont on regarde avec suspicion les signes d’appartenance, en commençant par se demander si on peut ou non l’accepter.

Les xénophobes prétendent que l’Europe va s’islamiser et stigmatisent les musulmans pour faire peur et imposer le spectre d’un changement de population et de culture en Europe. Avec indécence la propagande haineuse surfe sur l‘ignorance, la crise morale et économique. Goebbels le nazi, pratiquait le même type de propagande et d’amalgame. Il ciblait les juifs, propageait des fausses informations à leur sujet, et flattait les pires instincts de tous les courants prêts à se conduire en loups. Les musulmans aujourd’hui courent le même risque que le juif hier, alors que le vécu paisible et bien intégré de l’immense majorité est ignoré.

La stratégie islamophobe, mise en place il y a plus de vingt ans par les néoconservateurs, est dopée par les odieux attentats qui donnent du crédit à la propagande du «choc des civilisations». Ce n’est plus le radicalisme qui est dénoncé, ce sont les références fondatrices, le Coran et le Prophète, qui sont accusées. L’extrême droite prolifère et les tenants du laïcisme sectaire et dogmatique considèrent que la religion est une idéologie d’asservissement. Des chefs d’états et de gouvernements occidentaux, des personnalités, avec virulence et cynisme, stigmatisent les musulmans. Dans le cinéma américain les scénaristes ont fait du musulman le «méchant».

 Des journaux publient des opinions dignes des temps des croisades, de la colonisation et des années trente: «Je hais l’Islam», «la talibanisation des sociétés musulmanes se généralise», «la logique de violence de l’Islam» et «le choc des civilisations est en train de triompher…à cause des musulmans». Des intellectuels, notamment sionistes, tiennent des propos sur la manipulation politique des peurs, jadis propagande de fascistes. Des intellectuels d’origine musulmane, dénigrent de manière schizophrénique leurs racines.

Le musulman, comme le juif hier, est présenté comme une menace pour les sociétés occidentales.Tout cela signe la victoire de l’ignorance, de la désinformation et de la provocation. Des intellectuels conscients reconnaissent que c’est le surgissement d’une islamophobie qui formate inexorablement la société européenne. Des penseurs occidentaux, montrent que l’islamophobie est le prolongement de l’antisémitisme. Cependant la propagande de ceux qui pratiquent l’amalgame l’emporte.

L’islamophobie est liée au fait que l’Occident, malgré sa puissance et des acquis prodigieux, est confronté aux impasses de la déshumanisation, de la désignification et de la marchandisation de l’existence et vise pourtant à se mondialiser. Les musulmans sont pris comme contre-feux et boucs émissaires. D’autant que l’Islam reste le témoin de la spiritualité, l’autre version de l’humain perçue comme concurrente, qui résiste à la déshumanisation et à la volonté d’hégémonie totale. L’Occident vise l’occidentalisation du monde, qui est un pari impossible, car cela demande d’abandonner des valeurs qui ont fait leur preuve, pour une appartenance problématique.

Poser la question en ces termes ne signifie pas qu’il faille amplifier la théorie du complot, mais il est clair que la situation se complique lorsque les nostalgiques de la nuit coloniale, les religiophobes qui nient les valeurs abrahamiques et les sionistes œuvrent pour empêcher tout rapprochement entre les deux mondes. Insidieusement depuis  l’occupation par la force de la Palestine en 1967,  puis ouvertement après la chute du mur de Berlin en 1989, et brutalement depuis 11.09.2001, des puissances occidentales, inspirées par le sionisme, au prix de manipulations sophistiquées, déplacent les problèmes du monde, masquent leurs échecs et impasses par l’idée d’un « nouvel ennemi ». La culture de la peur est fabriquée et amplifiée.

 

Surfant sur l’exaspération face aux comportements fondamentalistes mis sur le devant de la scène, ils gomment la frontière entre islam et extrémisme et sponsorisent ceux qui renient leur « origine », sous prétexte de « moderniser » l’islam. Le délire se répand partout, avec la prolifération de partis extrémistes qui font de la croisade contre les musulmans leur mot d’ordre. L’occupation de l’Irak, de la Palestine et les politiques qui manipulent, produisent des extrémistes et puis considèrent les musulmans comme les nouveaux ennemis.

Il reste un avenir

Les musulmans n’exigent pas seulement que leur différence soit tolérée. Ils demandent davantage qu’un simple «droit de survivre», mais le droit de vivre avec. Il faut penser à un ensemble commun et non à des substituts et projet de demi-mesures. L’ordre de la tolérance est insuffisant, seul l’ordre de la reconnaissance ouvre la possibilité d’une vie commune juste et non biaisée. D’autant que la complémentarité saute aux yeux.

Est une grande hypocrisie que l’empressement avec lequel des responsables occidentaux condamnent des actes islamophobes et antisémites, alors qu’ils procèdent d’un climat de défiance auquel ils ont contribué. Des régimes islamiques et des fondamentalistes crient à l’offense alors que, de leur côté, ils ont peu fait pour présenter le vrai visage de l’Islam, ni défendu la dignité des musulmans. Au contraire, par leurs réactions irrationnelles, ils ont déformé son image.

 

Malgré des comportements inadmissibles, crispés et provocateurs chez une minorité de musulmans, la réalité sociologique des citoyens musulmans en Europe montre leur aptitude à vivre le progrès et la sécularité. Cela gêne les extrémistes de la laïcité, du libéralisme sauvage et du sionisme. Ces trois courants dogmatiques et populistes incitent à la chasse aux musulmans. Les xénophobes et autres racistes, qui contredisent les valeurs des Lumières, sont aujourd’hui choyés au lieu d’êtres rappelés à l’ordre par les lois de la République.

 

Des chantres de la provocation basent leur carrière intellectuelle  sur la haine des musulmans. Ils monopolisent les médias parce qu’ils vivent dans un monde cynique où c’est devenu banal de haïr l’autre pour ce qu’il est. Il serait temps que les Européens, les Français, se souviennent des principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme et ceux du monothéisme et prennent conscience que l’islamophobie est une diversion. Ce n’est pas seulement les musulmans qui sont ciblés, mais le sens de l’humain qui sous-tend toute vraie civilisation.

 

Si la tendance à l’hostilité vis-à-vis de l’Autre différent se renforce cela signifiera que l’humanité éprouve les limites extrêmes de sa tendance au vivre-ensemble, que la banalisation de la haine se généralise et que la diabolisation d’autrui ont atteint des cimes, que la pulsion de vie et le besoin de partage qui poussent les hommes à s’unir, se sont épuisés, abdiquant. On sort de l’humanisme et du christianisme si on laisse faire la xénophobie en Occident. On sort de l’islam, si on laisse faire le fanatisme et la réaction aveugle. Cela devrait aller de soi que nul ne peut se prévaloir des religions pour légitimer des violences. Raison de plus pour dialoguer et ne pas s’abandonner à la lassitude.

 

L’arrogance que l’Occident a à s’approprier, de manière injustifiable, des valeurs comme la démocratie, la sécularité et la raison, et sa politique des deux poids et deux mesures et de la loi du plus fort aggravent la situation.  Il fabrique de la terreur, manipule, amplifie les faiblesses des musulmans et les errements d’extrémistes pour faire effet d’épouvantail. En riposte, dialoguer, communiquer et instruire pour bien montrer que les musulmans, contrairement aux apparences  fabriquées, ne sont pas une menace est incontournable, en vue d’éclairer l’opinion publique internationale.

L’image dépréciative des musulmans, des Arabes et des Turcs est ancienne, mais elle a pris des proportions alarmantes à cause de calculs étroits. Des Occidentaux sont piégés par les discours de la désinformation, qui profitent des errements de régimes archaïques et d’extrémistes. L’Occident se forge une identité contre l’autre. Le leurre, le contre-feu, la diversion de la peur et du « choc des civilisations » fonctionnent. Pendant ce temps, la vraie bataille fait rage sourdement sur des fronts décisifs : la technoscience, la finance et l’économie. Les enjeux pour les rapports de force demain. La Chine sait de quoi il en retourne.

Sur le plan moral, l’islam ce méconnu, dont certains de ses adeptes ignorants et sous-développés lui nuisent, en même temps il avance et de nouveaux musulmans éclairés rejoignent ses rangs lorsqu’ils le découvrent. Si 40% des européens le considèrent comme une menace, cela signifie que la majorité des européens ne confond pas islam et fanatisme. C’est-à-dire que 60 %  ne le perçoivent pas négativement, malgré les manipulations, le matraquage et les mauvais exemples.

 

Le mauvais comportement d’une partie de ses adeptes, l’archaïsme des régimes islamiques et l’état de décadence dans lequel se trouve nombre de sociétés musulmanes, ne peuvent changer la réalité: le Message coranique est au-dessus des stratégies de domination et des affres de notre temps, il libère l’humain universel. Nul ne peut nier que la démocratie et l’Etat de droit sont faibles en rive Sud, mais c’est un problème politique et non point spirituel.

 

Aujourd’hui de plus en plus d’Occidentaux discernent, s’intéressent à l’islam et se convertissent même, touchés par sa logique et déçus par l’immoralité, la sauvagerie du système consumériste et par les contradictions des autres religions. En ce XXI siècle, nul ne pourra tout seul retrouver une nouvelle civilisation universelle. Les pays musulmans et  occidentaux sont face à leur responsabilité.  Il ne faut pas se tromper d’adversaire. Si on sait éviter les pièges, les combats d’arrière garde et les faux débats, il reste un avenir.

 

MC

Il ne suffit pas de tolérer autrui

CHRÉTIENS ET MUSULMANS

Il ne suffit pas de tolérer autrui

 

Par Mustapha Cherif

Les attentats contre des chrétiens en Irak et en Egypte sont des crimes absolument inadmissibles. De la relation islamo-chrétienne dépend, en partie, l’avenir du monde. Les valeurs abrahamiques, évangéliques et celles des Lumières sont trahies en Occident par la montée de la xénophobie et la volonté d’hégémonie du monde. D’un autre côté, la culture civilisée et humaniste de l’Islam que le Prophète (Qsssl) a légué est trahie par des extrémistes et des régimes archaïques qui n’ont rien à voir avec la religion.

Une machination

La haine, vouée à l’échec, ne peut faire écran au partage, à l’amitié et à la symbiose entre les communautés et les peuples. Les attentats ignobles contre des chrétiens au Moyen-Orient sont calculés. Les commanditaires et leurs exécutants n’ont aucun respect pour la vie et la dignité humaine. Face à l’islamophobie, certains tentent de doper la christianophobie. C’est un piège.

Il est urgent de faire un front commun contre tous les délires mortifères et pour le vivre-ensemble. Nulle communauté n’est l’unique victime. Partout des flambées d’intolérance sont visibles, comme les lâches attentats contre des chrétiens irakiens et des coptes en Egypte. Cependant, comme le présument des observateurs avertis, la violence en Irak procède d’une machination politique.

Dans ces drames, ce qui est en jeu, n’est pas la race ou le culte. Il faut protéger la vie, que la personne soit chrétienne ou musulmane. Les Etats et les grandes puissances, en commençant par arrêter d’agresser, doivent protéger indistinctement les droits humains. Notre solidarité ne doit pas être sélective. Il s’agit de défendre tout être humain contre les abus et les intolérances.
Le sentiment antimusulman en Occident rappelle l’antisémitisme. La politique des deux poids, deux mesures est la preuve qu’ils sont considérés comme le «nouvel ennemi». L’hostilité envers la religion en général et autrui différent, est un phénomène lié surtout à la crise sans précédent que vit l’humanité.


Des buts occultes

La xénophobie enfle. Et le regain contre nature de violence antichrétienne, en quelques endroits en Orient, après quinze siècles de coexistence plutôt paisible, regain que toutes les opinions islamiques et toutes les instances musulmanes condamnent fermement, vise plusieurs buts occultes. Il faut se demander à qui profite le crime?
Le premier but, c’est la tactique de l’épouvantail, faire diversion à l’injustice. Deuxièmement, chercher à justifier le sentiment antimusulman en Occident. Troisièmement, cautionner la logique du choc des civilisations pour faire oublier la faillite du libéralisme sauvage.Quatrièmement annihiler toute perspective de démocratisation dans les pays arabes. Cinquièmement, imposer une situation de guerre larvée en divisant les chrétiens et les musulmans, après avoir opposé les sunnites et les chiites.
Les chrétiens d’Orient, qui sont une partie inséparable de l’identité culturelle des musulmans et réciproquement, ont le droit à la sauvegarde, à la liberté religieuse, en fidélité aux principes coraniques et aux recommandations du Prophète de l’islam (Qsssl), qui prônent une fraternité universelle excluant toute discrimination.

 

 N’oublions pas qu’il y a 150 ans, l’Emir Abdelkader, au nom de l’humanisme musulman, sauvait des milliers de chrétiens à Damas d’une mort certaine. Que des imposteurs, ignorants fanatisés et manipulés tombent dans le piège et détruisent leur demeure de leurs propres mains n’est pas surprenant. Cependant, l’immense majorité des musulmans et des chrétiens, éprise de paix et d’hospitalité, sait discerner et ne confond pas. Ces forces du discernement doivent être renforcées afin de faire barrage à la désinformation et à l’instrumentalisation.
Les citoyens doivent être conscients de leur double appartenance: nationale et planétaire.

Nous devons rester liés à l’humanité tout entière. On doit sortir de la vision sectaire et égoïste qui domine à cause de l’inculture, sortir du visage arrogant de l’homme prétentieux, qui se croit seul sujet de l’univers, voué à être le maître du monde et qui pratique la violence vis-à-vis d’autrui. On doit mettre fin aux murs de séparation de ceux qui considèrent qu’ils sont les seuls détenteurs de la vérité, qu’ils représentent l’espèce humaine civilisée et qui négligent l’unité et la diversité humaine.


Au lieu d’assumer sa mission spirituelle de témoin du monothéisme, le monde musulman donne l’impression qu’il s’oppose au pluralisme et à la liberté de conscience. Au lieu d’assumer raisonnablement sa fonction d’avant-garde du monde, une contradiction traverse l’Occident: sa prétention à détenir le seul modèle émancipateur et sa volonté d’accaparer les richesses, marquée de surcroît par la montée, en temps de crise, de courants xénophobes qui refusent l’altérité, le droit à la différence.
Le multiculturalisme bénéfique et l’hétérogénéité naturelle de l’humanité sont confrontés à la volonté d’uniformisation et d’hégémonie du système dominant. Le monde entier semble en dérive.


La mondialisation injuste suscite des tensions. L’autre, notre semblable, différent par la religion et le parcours, est au sein de chaque société. Races, religions, cultures se côtoient au niveau de toutes les échelles, locales et internationales, mais le nivellement imposé par le marché monde et la vision unilatérale produisent partout des impasses et des tentatives de repli.
En Orient, faute de bonne gouvernance et de réactivation de la culture du pluralisme et de l’ouverture, les contradictions et paradoxes sont aggravés par la misère et les manipulations de ceux qui instrumentalisent la religion.


Tout cela nourrit la propagande du choc des civilisations et renforce l’illusion de détenir la seule vérité face à la barbarie. Alors que, malgré des différences, rien n’est vraiment antinomique entre l’Islam et l’Occident, dans l’imaginaire occidental, avec ses fantasmes et ses affabulations, le musulman personnifie la menace contre les «Lumières». Dans le fantasme de certains musulmans, l’Autre est un agresseur. Des concepts alibis sont mis en avant comme celui de «communautarisme», reflétant à la fois l’impuissance à comprendre l’être commun et le penchant à vouloir enfermer l’autre dans des ghettos s’il n’imite pas le dominant.

 La puissance d’influence des médias et des industries culturelles dominantes impose la banalisation de la haine de l’autre diabolisé, avec des explications infondées, simplistes et culturalistes, notamment au sujet des résistances, légitimes ou aveugles, générées par les injustices des politiques aventuristes.


En Europe, la «laïcité» est instrumentalisée pour agiter le spectre xénophobe et islamophobe. Nous ne sommes pas dupes de la manœuvre politique qui se cache derrière l’invention d’un nouvel ennemi. Toute atteinte à la dignité humaine doit être condamnée fermement. Considérer que le musulman est inapte à la démocratie est une hérésie, une posture qui constitue une véritable insulte aux Européens de confession musulmane, qui militent démocratiquement, mais aussi à tous les citoyens attachés à la civilisation et à la modernité.


C’est ce type de faux débat qui alimente la peur, créé à partir d’une réalité déformée. Ce qui est inadmissible réside dans le fait que des citoyens de confession musulmane sont pris comme boucs émissaires, ne disposent pas de lieux de culte en nombre suffisant et sont discriminés en matière d’emploi, de logement et de promotion sociale. Tout comme des chrétiens sont soumis parfois à rude épreuve dans des sociétés à tradition musulmane. On doit sortir de nos points d’aveuglement respectifs. 

Le vivre-ensemble


Le recul du droit, l’immoralité du système dominant et les intégrismes, dans un contexte de désignification du monde, mènent l’humanité vers l’abîme. Les défis sont les mêmes pour tous. Les êtres épris de paix et de justice doivent unir leurs efforts pour faire reculer les iniquités et les manifestations de haine. Le mutisme face à l’injustice et à l’arrogance nourrit partout la bête immonde.


Chrétiens, musulmans, humanistes, chacun est face à ses responsabilités pour alerter afin que nul amalgame ne soit fait. Il ne suffit pas de tolérer autrui, avec condescendance, mais défendre en Orient et en Occident le respect du droit à la différence et du pluralisme, tout en respectant l’ordre public. Ce n’est point un vœu pieux, car il n’y a pas d’alternative au vivre-ensemble, pour retrouver de la civilisation qui fait défaut.


Mustapha CHÉRIF

 

Où va le monde musulman ?

 

 

Où va le monde musulman ?

 

Par Mustapha Cherif

 

Après une décennie du nouveau siècle, il est temps de se poser des questions sur l’avenir. De nombreux observateurs à travers le monde se posent la question : où va le monde musulman, composé de 57 pays et plus d’un milliard et demi de musulmans présents aux quatre coins de la planète? Ce monde hétérogène qui s’étend sur trois continents, semble prendre la figure du dissident face à l’Occident, dont il est proche, et échappe aux grilles de lectures classiques.

 

Les préjugés à son égard sont tenaces, alors que l’Occident classique a été judéo-islamo-chrétien et gréco-arabe. Les citoyens occidentaux de confession musulmane sont des ponts et des traits d’union pour le vivre ensemble qu’il faut valoriser. Des intellectuels occidentaux continuent  pathologiquement et arbitrairement à faire croire que « la guerre » est à l’origine de l’irruption de l’islam dans l’histoire et que la violence lui est consubstantielle. La propagande cherche à faire croire que les éléments incompatibles avec le progrès lui sont enracinés. Ces contre vérités nuisent aux bonnes relations. Le Maghreb est la région pont, trait d’union entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest, la plus apte à apaiser les relations internationales.

 

Accepter la critique

 

Le monde musulman apparait comme le sous développé politique et en même temps celui qui porte en lui une autre version de l’humain ; selon les musulmans, vivante équilibrée et résistante. Héritier d’une civilisation lumineuse, témoin d’une spiritualité vivace, il est  traversé par, d’une part, l’immobilisme et des courants rétrogrades et, d’autre part, par des mouvements de la dilution et la dépersonnalisation fascinés par l’occidentalisation. Aucun deux ne représente l’avenir. Nous sommes confrontés aux extrêmes. C’est un combat entre l’ouverture, la mesure et à l’opposé la fermeture, la démesure. Nous devons nous impliquer par amour de la patrie et retrouver le gout de la culture et de la créativité.

 

Le monde musulman  se veut la communauté du juste milieu, ni tourner le dos au monde, sous prétexte que l’Au-delà est la vraie vie, ni se laisser aliéner par lui, sous prétexte qu’il faut assouvir nos besoins illimités. Le drame sur le plan international réside dans le fait que depuis 1989, la chute du mur de Berlin, le monde musulman est dans l’œil du cyclone, perçu comme une source de «menaces ». L’instrumentalisation de la religion, les archaïsmes conjoncturels et les dérives donnent de l’eau au moulin à cette propagande injustifiable. C’est intenable. Le monde musulman les prochaines années doit sortir de cette situation. D’autant que des expériences crédibles de développement sont visibles, comme en Turquie et que des positions géostratégiques et des richesses ne sont pas un mirage comme au Maghreb.

 

Le monde dominant, aussi puissant soit t-il, est décadent. Ce qui complique la situation du monde musulman confronté ainsi à des défis internes et externes. Des médias et des courants d’opinions en Occident, mal intentionnés, amplifient la peur pour faire diversion aux problèmes structurels de l’ordre dominant et imposent l’idée de citadelle. L’islam joue un rôle de révélateur des impasses de notre temps.

 

Cependant, il nous faut accepter la critique, d’autant que l’horizon semble fermé et la démission est la conduite actuelle. L’opinion publique et des observateurs  s’interrogent. Ils se demandent si le phénomène de repli est une lame de fond, ou si la raison et le progrès culturel et scientifique vont l’emporter ? Mais ils oublient que le repli est le résultat des manipulations et instrumentalisations, le produit des contradictions de notre temps, une responsabilité partagée.

 

 Le vide culturel interne, la crise de l’Ecole et les injustices, mais aussi les inégalités secrétées par les despotismes et le système mondial, la politique des deux poids et deux mesures et les dérives de la modernité consumériste qui déshumanisent produisent tout ensemble un malaise moral, des réactions obscurantistes et de la violence sociale. Les deux mondes, Orient-Occident, tellement liés et imbriqués, doivent s’interroger sur les difficultés propres à chacun et sur les problèmes et défis de l’humanité. Nul ne pourra tout seul faire face aux incertitudes.

 

Au lieu de voir dans le monde musulman « le nouvel ennemi » réfractaire au progrès, il est urgent de changer, de comprendre qu’il est capable de contribuer à la recherche d’une nouvelle civilisation, comme par le passé. Il dispose de valeurs et de richesses. Le monde arabe, figé, retrouvera son équilibre s’il sait œuvrer, dialoguer et se faire entendre. Ni imitation d’un mauvais Occident, ni imitation d’un mauvais Orient, mais synthèse et articulation raisonnable entre authenticité et progrès, entre l’autonomie de l’individu et le vivre commun, symbiose entre science et éthique, entre le spécifique et l’universel.

 

Trois priorités

 

Le monde musulman doit assumer trois priorités. Sur le plan scientifique, moderniser l’Ecole, la formation, l’éducation, l’enseignement, la culture, donner la priorité absolue à ces questions, pour progresser et faire reculer le chômage, l’incivisme, la pauvreté et les intégrismes. En conséquence, multiplier les possibilités de cultiver, axer l’aide sur la formation sous toutes ses formes est un chemin incontournable. La jeunesse de nos pays a soif de connaissances.

 

Sur le plan économique, le poids de la bureaucratie, la faiblesse de la culture de l’entreprenariat pour produire des richesses, des instruments de régulation pour protéger les faibles et la division internationale du travail, conception au Nord, exécution partielle au Sud, constituent des problèmes de fond. Il s’agit d’éviter le repli et le libéralisme sauvage.

 

Au plan politique, l’espérance est réelle, malgré des critiques, il faut rester constructif, car le développement dépend de la bonne gouvernance et du renouvellement des élites,  pour sortir de l’usure et liquider la mauvaise gestion. L’urgence c’est l’arrêt de toutes les formes d’incompétence et de remobiliser la jeunesse qui prendra conscience que l’avenir est aussi dans nos pays. Tous les jours des cadres prouvent leur engagement, leur intégrité et leur compétence. Le potentiel existe.

 

Sur le plan des relations internationales, les problèmes cruciaux, qui retardent le développement sont: la volonté d’hégémonie et de domination du monde fondée sur la loi du plus fort et l’ivresse de la logique unipolaire; la mise en œuvre d’une idéologie néoconservatrice au service d’intérêts à courte vue, dont le contrôle sur les sources d’énergie est un des aspects; diversion par rapport aux problèmes politiques et économiques du monde.

 

Face au désordre mondial, à la pérennité de la logique d’un centre qui exploite la périphérie, face aux terrorismes transnationaux et à la pauvreté, nous pouvons diverger sur les méthodes pour les résoudre, mais nous différons surtout sur l’évaluation des causes et l’identification des responsabilités, car les inégalités et les sources de la pauvreté et de la violence aveugle sont multiples. Sans jamais justifier les dérives, il y a lieu de s’attaquer à leurs causes profondes. La mondialisation est dominée par l’américanisation, même si des puissances nouvelles émergent. Le monde Arabe doit revoir sa relation incontournable avec l’Europe et les USA.

 

Le dialogue des cultures

 

Il est important d’insister sur le fait que le peuple américain est un peuple ami et la nation américaine une grande nation. Le monde entier a besoin de la stabilité et de la crédibilité de la première puissance; notre avenir, en partie, en dépend. Les USA, ne l’oublions pas, sont héritiers du siècle des Lumières et attachés aux valeurs de liberté. Ce qui inquiète sont des aspects injustes de leur politique étrangère, tant sur le plan des actes unilatéraux que sur celui d’une vision fondée sur le double standard.

 

Notre démarche, par attachement aux principes de la démocratie universelle, est de continuer à dire aux américains: nous souhaitons renforcer nos liens, favoriser la prééminence du droit international, notamment culturelles, commerciales et économiques. Ce qui nous ne dispense pas de dire que nous ne sommes pas d’accord sur ce qui se passe en Palestine. Tout comme nous ne cesserons pas de répéter à l’opinion internationale que l’extrémisme est l’anti-islam. L’heure n’est pas à l’amalgame, mais à l’alliance entre tous les pays et tous les citoyens du monde épris de liberté, de justice et de paix, quelles que soient leurs religions et leurs cultures.

 

La question de la culture et du dialogue des cultures est primordiale pour faire reculer l’ignorance, source de tant de maux. La mondialisation est inégale et contredit toutes les cultures traditionnelles, notamment au vu de l’économisme fondé sur l’exploitation exponentielle de toutes les ressources, sans tenir compte des critères éthiques, culturels et écologiques. Situation qui porte atteinte à l’écosystème et transforme les cultures et traditions en folklores coupés du mouvement de la vie.

 

Réfléchir et travailler ensemble

 

Même si la complexité de l’époque et le poids de la mondialisation sont immenses et que le monde musulman reste matériellement faible, il résistera encore face à la deshumanisation et aux injustices. Reste à ce que cette résistance soit coopérative et réfléchie et non sauvage et subjective. Le monde musulman, s’il se reforme, favorisera l’humanisme et le pluralisme dans les relations internationales. De source apparente de menaces, il sera enfin compris comme partenaire salutaire.

 

Il peut former des êtres humains qui ont un sens ouvert de la vie, éthique, capable de tenir face au monde désignifié et consumériste, face à la marchandisation, aux remises en cause des fondements de l’humanité. Mais il n’y a pas d’avenir si la créativité, la critique constructive de soi et de l’autre et l’ouverture au changement ne sont pas mises en œuvre.

 

La mondialité, la modernité, la mondialisation s’appuient sur des moyens décisifs et incontournables de la science et de la technique, assumons-les, tout en actualisant notre sens de l’éthique et de l’humain. Relever les défis de manière autocritique, logique, permettra de se désenclaver, de corriger nos dérives et celles de notre temps, dans l’échange, le dialogue et le respect de la différence.

 

Il est vital de réfléchir et travailler ensemble, investir en commun, partager des richesses et montrer que nul n’a le monopole du progrès et de la raison. Il reste un avenir, si on se souvient qu’unité et diversité et paix et justice sont inséparables. Win-Win devrait être le mot d’ordre pour tous nos actes. Le devenir est commun.

 

MC

 

 

LE MONDE MUSULMAN FACE LA CRISE MONDIALE

 LE MONDE MUSULMAN FACE LA CRISE MONDIALE 

Par Mustapha Cherif

Dans une époque que dominent la connaissance technoscientifique et le concept de la société du savoir, la production scientifique des pays musulmans est encore marginale, selon le dernier rapport de l’Unesco sur la science. Les données fournies par le rapport, établi tous les cinq ans, concernant la production scientifique des pays musulmans, sont significatives d’une situation alarmante. En matière de techno-sciences le monde musulman, avec une population d’environ 1,5 milliard, près du quart de la population mondiale, ne produit que moins de 5% de la production scientifique mondiale! Le sous-développement du Monde arabe est symbolisé par un autre taux dramatique: environ 40% des populations sont analphabètes. 

Forger au savoir et humaniser


Les capacités de production de la science permettent le développement, la sauvegarde de la souveraineté et de nouvelles perspectives. La situation des sociétés musulmanes est préoccupante. Jusqu’à quand les alarmes seront-elles ignorées? Même la Banque islamique de développement, en 2008, confirmait le constat alarmant: «Les 57 pays à population majoritairement musulmane ont sensiblement 25% de la population mondiale, mais moins d’1% des scientifiques produisent moins de 5% de la science et font à peine 0,1% des découvertes originales mondiales liées à la recherche chaque année.» La fuite des cerveaux et la mainmise par des politiciens médiocres sur les organes de décisions aggravent la situation.
Il est urgent de revoir ces données, tout en tenant compte de l’hétérogénéité des pays. La Turquie, par exemple, est un pays musulman émergent, la 16e économie mondiale.


Les chercheurs savent que sans un climat politique ouvert, stable, de responsabilisation, lié à une échelle des valeurs, soutenu par des moyens conséquents et un environnement propice à la recherche, il est difficile de progresser. Qui maîtrise la science détiendra les outils du développement. L’Ecole et la valorisation du métier d’enseignant, au centre du système éducatif, en sont les enjeux.
Dans un article paru sur L’Expression, le sociologue Nadji Safir, avec pertinence et objectivité, analyse les données publiées par l’Unesco concernant les pays musulmans. Il a raison de tirer la sonnette d’alarme sur les retards du monde arabo-musulman. La gravité de la crise mondiale et la complexité du devenir de l’humanité obligent à compléter l’approche par une critique du système mondial ambivalent et partant des défis auxquels le Monde arabe est confronté.


Il faut non seulement forger à la science, mais aussi répondre à des exigences de fond. D’une part, il est clair qu’il n’y a pas d’alternative à donner la priorité au savoir scientifique si nous voulons avoir droit au chapitre, répondre aux besoins des populations de nos sociétés et préserver notre personnalité; d’autre part, il est évident que les pays développés sont confrontés à une crise sans précédent. Gardons-nous de les imiter aveuglement au niveau du projet de société.
Nous sommes dans une phase historique qui interpelle toute l’humanité en raison des impasses produites par la poursuite d’une croissance prédatrice en hommes et en matières. La marchandisation du monde et la perte de valeurs et d’éthiques remettent en cause les fondements de l’humain. La crise économique est le reflet du désordre. Un autre récent rapport, celui des Nations unies sur la situation économique mondiale et les perspectives 2011, montre la gravité de la situation due au système consumériste et au libéralisme sauvage.


Dans ce contexte troublant, selon les experts, des défis techniques attendent les économies de la planète, tels comment trouver de nouvelles ressources financières pour fournir un soutien budgétaire supplémentaire; trouver une meilleure synergie entre les politiques budgétaire et monétaire; assurer un financement suffisant des pays en développement; mieux coordonner les politiques économiques des grands pays.
Il n’est question que de mesures techniques et non d’une révision de fond des politiques elles-mêmes. C’est l’économisme qui prévaut. Pour les pays musulmans, le problème est aigu, car tous les problèmes se posent en même temps. Il s’agit de penser un projet de société cohérent, de bâtir un Etat de droit, de former un citoyen instruit et responsable, d’apprendre à rationnaliser les modes de gestion et de donner la priorité aux ressources humaines.


La crise générale atteint toutes les branches de l’activité humaine et se manifeste différemment suivant les pays. Dans le Monde arabe, la baisse constante du niveau d’éducation et du civisme, la déperdition en matière de capital humain et la dépendance technoscientifique sont l’expression d’une faillite du système. Ce sont des questions politiques.
Le Monde arabe est confronté à un triple défi pour sortir du sous-développement: sur la base de la démocratisation, de la maîtrise des sciences et des technologies et d’une vision critique de la crise du modèle dominant qui mène à la déshumanisation et à des déséquilibres graves. 

Les contradictions


Le temps n’est plus d’imiter le processus de déclin, la difficulté du savoir moderne à favoriser un monde juste et équilibré, au moment où la mondialisation est celle des inégalités et se présente comme une occidentalisation qui impose ses divisions, ses prédicats, ses concepts et ses catégories et au moment où l’Orient semble incapable de bien résister par la créativité. Pourtant la révolution scientifique et technique peut être, non seulement assumée, mais refaçonnée à nos propres fins. Nous devons pouvoir nous affirmer tels que nous nous sentons et nous voulons. Or, l’essence de la modernité et, partant, de la mondialisation, semble vouloir imposer, de la part d’un savoir dominant, trois facteurs contraignants et discutables.


1. La tension entre science et conscience est forte, car le concept d’infinité de la recherche est dictatorial, alors qu’il est légitime de chercher à poser des limites éthiques au déchaînement de toutes les exploitations. Il ne faut pas avoir peur de la science, il faut bien au contraire, de la science, nul ne peut, ni ne doit, arrêter le progrès scientifique, mais pour quelles finalités? Plus que jamais, s’offre la maxime «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme».


2. L’individu et le vivre-ensemble: Le monde moderne est caractérisé par l’individualité. L’Occident est moderne parce qu’il a atteint un niveau élevé dans sa recherche d’un individu autodéterminé. L’individu au centre, considéré comme la marque propre de l’Occident, prétend montrer au monde la seule voie possible de l’émancipation. Pourtant l’enjeu n’est pas seulement l’autonomie de l’individu mais aussi le vivre-ensemble.


3. La raison et le sensible: Une des dimensions qui caractérisent le monde moderne est la disjonction entre la logique et le sens. Ces trois caractéristiques – l’infinité de la recherche, l’individualisme et la raison coupée du sens – posent problème pour les peuples qui recherchent la cohérence.


Sur le plan du sens de la vie, en conséquence, le premier point inquiétant est d’ordre éthique qui adhère à une grille de lecture faisant place aux valeurs de l’esprit et/ou au sentiment religieux, voit marginaliser tout le champ de la vie. Il n’y a pas de lien entre la mondialisation de savoirs unilatéraux et le sens de la vie auquel les peuples, notamment monothéistes ou liés à des sagesses ancestrales, sont attachés. C’est la fin d’un monde, il nous faut le comprendre pour tenter d’en inventer un autre qui échappe à toute fermeture. Aujourd’hui, la réalité, ce n’est pas simplement la sécularisation comme mouvement positif, mais son corollaire, la désignification du monde.


Sur le plan politique, le problème réside dans le fait que le corps social est réduit à un corps productif, soumis aux intérêts des détenteurs de capitaux. C’est la course à la richesse et le consumérisme dans leurs formes dévastatrices, valorisés comme phénomènes modernes.
Cette dépolitisation de la vie et sa marchandisation remet en cause la possibilité de faire l’histoire, d’être un peuple responsable, capable de décider, de résister au nom de la liberté, d’avoir ses raisons et d’avoir raison, de donner force et réalité à un projet de société choisi après débat. En dépit de la généralisation de la science, de la légitimité des institutions, de la prédominance des droits de l’homme, de la libre entreprise, des normes juridiques, la possibilité d’exister en tant que peuples et citoyens responsables, participant à la recherche collective et publique du juste, du beau et du vrai, est hypothéquée. L’avenir dépend moins de la décision de chaque citoyen que de systèmes.


Le désordre du monde moderne est aveuglant. On va dans une mauvaise direction. Le système dominant vise l’hégémonie. Il demande une mobilisation totale, même si ce totalitarisme ne se présente plus sous sa forme brutale de naguère. Il s’agit pour lui de modeler tous les systèmes – scientifiques, éducatifs, culturels, sociaux – sur les besoins des entreprises commerciales.
Le processus infini d’accroissement de la production a franchi la limite au-delà de laquelle il ne lui est plus possible de dissimuler le besoin de totalité qui lui est inhérent. Mondialisation, totalisation, clôture: nous sommes engagés dans ce processus. L’individu ne sait plus comment fonder la validité de ses actes et de ses projets. Au sein même de l’Occident, des citoyens ne se retrouvent pas dans le système qui leur est imposé. Les revendications écologiques et sociales vont au-delà des problèmes immédiats, une dimension du désir profond de l’existence veut être entendue.


Sur le plan du savoir et de la connaissance, le troisième aspect inquiétant remet en cause la possibilité de penser et de penser autrement. Le cloisonnement et la technicité l’emportent sur la transversalité, la diversité et le partage.
La mondialisation vise à maîtriser toutes les choses de la vie par l’exploitation des résultats des sciences exactes, appréhendées comme les seules qui soient pertinentes pour la logique du développement. Malgré le travail des sciences humaines et sociales, le savoir moderne privilégie les sciences dites exactes et leurs applications, soumises à la logique du marché. Il y a un mouvement mondial qui détruit l’Université selon son concept de lieu du savoir libre et gratuit pour rectifier des déviations et réexaminer les incohérences, pour décider librement des objectifs de la recherche et réinventer d’autres formes à donner à l’existence.

 

Responsabilité collective


Aujourd’hui, tous les problèmes se posent en même temps, politique, économique et culturel. C’est un «malaise dans la civilisation» et «une crise des sciences européennes» déjà annoncée au XXe siècle par des penseurs, d’Husserl à Heidegger, de Freud à Lacan, de Derrida à Legendre, de Massignon à Berque. Dans le pire, peut naître le dépassement.
Le Monde arabe, ankylosé, qui n’a pas réalisé les promesses de l’indépendance chèrement acquise, doit libérer ses énergies et ses riches potentialités humaines pour pouvoir s’émanciper, reprendre sa place et contribuer à forger une nouvelle civilisation qui fait défaut. L’ère moderne industrielle, malgré de prodigieuses avancées, n’a pas su créer de civilisation.
Il y a un début de conscience aujourd’hui que notre époque s’éprouve en impasses, mais aussi en opportunités si on pratique la synergie.

 C’est une responsabilité collective. Il n’y pas de fatalité, ni de malédiction. Nous devons prendre conscience, que malgré tant d’archaïsmes, de fermetures et le désert culturel qui nous encerclent, qu’il peut faire bon vivre dans nos pays, surtout en Algérie, si on sait allier progrès scientifique et authenticité.Mustapha Cherif

 

 

Le retour de la bête immonde

L’EXTRÊME DROITE EUROPÉENNE
Le retour de la bête immonde

Par Mustapha Cherif

Des partis de gauche, des citoyens de confession musulmane et d’autres associations antiracistes en France, appellent à un rassemblement ce jour samedi 18 décembre, contre la haine des groupes d’extrême droite français et européens, qui se tient à Paris. Des groupes d’extrême droite appuyés par des extrémistes laïcs et dogmatiques ont décidé de se rassembler pour soi-disant «défendre la laïcité et les valeurs de la civilisation». Le nazisme, le fascisme et le colonialisme ont laissé des traces, que certains nostalgiques veulent actualiser. Profitant de la crise économique et morale qui secoue l’Europe, la bête immonde ose distiller le venin contre les musulmans. L’amplification de la peur, l’exploitation avec cynisme des dérives des fondamentalistes jettent l’opprobre sur tous les musulmans. La propagande du choc des civilisations gagne du terrain. 

Corriger nos actes et discours

 


Après les caricatures vulgaires sur le Prophète, le vote suisse sur l’interdiction de minarets, la multiplication des profanations de mosquées et cimetières musulmans, le débat sectaire sur l’identité, la montée des discours extrémistes et racistes dans toute l’Europe et les discriminations que subissent les musulmans des quartiers défavorisés, la vigilance s’impose. Ce ne sont plus des phénomènes isolés, mais une vague de fond populiste, politicienne et électoraliste qui contredit les valeurs monothéistes et celles des Lumières, et met en danger le vivre-ensemble et la paix. Dans le monde musulman, on doit se réformer, corriger nos actes et nos discours afin de ne pas apporter de l’eau aux moulins des nouveaux racistes.


En France, terre d’Asile et pays des droits de l’homme, Marine Le Pen, qui rêve de pogroms et de rafles, qui vise par la surenchère a devenir chef de l’extrême droite raciste, en termes électoralistes les plus abjects, polémique virulente, compare les musulmans français aux occupants allemands de la Seconde Guerre mondiale, alors que l’idéologie nazie est une des sources d’inspiration de ce parti de la haine. C’est une véritable insulte à l’histoire de France et aux milliers de musulmans morts pour la libérer. Le sentiment antimusulman s’amplifie dans un contexte de chômage, de crise morale et de manipulations tous azimuts. Le musulman est le bouc émissaire. Des comportements marginaux de musulmans prêtent le flanc et servent de prétexte aux xénophobes. Ce n’est plus le radicalisme qui est dénoncé. Les références fondatrices, le Coran et le Prophète sont attaqués.


Cependant, le peuple français n’est pas dupe. Toute la classe politique française a condamné les propos hideux et provocateurs de Marine Le Pen, et commence à comprendre que pour le cas regrettable de la prière hebdomadaire du vendredi qui déborde sur les lieux publics, la faute incombe à ceux qui refusent de faciliter aux musulmans l’aide nécessaire pour édifier leurs lieux de culte. Il faut y apporter des réponses concrètes et dignes par la construction de mosquées. C’est le rôle d’un Etat républicain de régler ces problèmes et non de laisser se développer la stigmatisation de populations défavorisées et marginalisées. Et 24 organisations ont demandé aux autorités d’interdire le projet de rassemblement d’extrémistes. Le programme de la réunion, la liste des organisateurs et les personnages annoncés démontrent que cette initiative vise à favoriser l’expression de thèses xénophobes, racistes, islamophobes et fascisantes. La Mairie de Paris condamne cette rencontre et demande à la Préfecture de police «de bien vouloir prendre toutes les mesures nécessaires» afin que la réunion «ne puisse avoir lieu» car elle «ne peut qu’engendrer haine, xénophobie et trouble à l’ordre public».


Il est nécessaire que les humanistes et les chrétiens français et européens fassent barrage à la montée de la xénophobie. Il y a des amalgames, des crispations et des interrogations de la part de chrétiens à cause de la violence inadmissible que subissent les chrétiens au Moyen-Orient. Il est impérieux de rafraichir les mémoires et de rappeler que l’Islam n’a rien à voir avec ces dérives.
Certes, l’instrumentalisation des Ecritures saintes est un problème qui pose des questions graves aux musulmans et aux chrétiens. Quiconque pourra toujours manipuler les textes saints pour justifier l’inadmissible, mais l’extrémisme est l’antireligion.

A qui profite le crime? A ceux qui cherchent à faire diversion aux problèmes politiques du monde. Ce n’est en aucun cas une question théologique. Les versets du Coran qui appellent à la légitime défense correspondent à des circonstances bien précises qui ont peu à voir avec la situation actuelle. Tout comme était infondée l’interprétation de la Bible que des chrétiens pratiquaient durant l’Inquisition, les guerres de religion, de colonisation. C’était aussi de l’usurpation et du fondamentalisme de type blasphématoire. 

Aucune opposition entre les civilisations

 


Sur le plan historique, l’Islam et la chrétienté, par le passé, se sont parfois affrontés, mais les peuples ont surtout partagé, coexisté et fécondé une lumineuse civilisation autour de la Méditerranée. L’Islam a su mettre en pratique une convivialité réelle pendant des siècles entre juifs, chrétiens et musulmans. L’Islam a plutôt respecté et protégé les chrétiens et les juifs, alors que la violence des croisés et du système colonial a été sans borne. Les chroniqueurs occidentaux décrivent la sauvagerie des croisés et leur mépris de l’adversaire. En revanche, tous les historiens reconnaissent la noblesse de Saladin lorsqu’il chassa l’occupant en épargnant les populations chrétiennes.


Des chrétiens considèrent qu’après le VIIIe siècle l’Islam a remplacé la chrétienté en rive Sud de la Méditerranée, mais cela s’est fait plus par le dialogue et la conduite droite que par la contrainte. La colonisation, dont les effets pervers n’ont pas encore disparu, de son côté, a tout fait pour tenter de christianiser les musulmans mais a échoué. Les régimes d’apartheid sont tous des produits de mouvements politiques occidentaux et sionistes, qui contrastent avec la cohabitation interculturelle et interethnique dans le monde musulman où, juifs, musulmans et chrétiens ont bien cohabité jusqu’au début du XXe siècle. Il n’y a aucune opposition de principe entre les religions et civilisations.


Le décret conciliaire sur les religions non chrétiennes adopté en 1965 par le Vatican est clair, il contient un appel sage aux fidèles des deux religions à dépasser les controverses du passé et à s’estimer: «Si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.»
Prendre prétexte de la violence aveugle commise par d’inauthentiques musulmans, comme les récents attentats ignobles contre des chrétiens à Baghdad, pour stigmatiser l’Islam, procède d’un reflexe irrationnel, qu’il faut dénoncer.

Les musulmans sont plus menacés par les extrémistes que les chrétiens, un million d’Irakiens sont morts depuis 2003. S’il est vrai que des chrétiens, dans des pays musulmans, sont parfois soumis à des épreuves, la cause est à chercher d’une part dans l’ignorance, d’autre part dans la politique internationale actuelle inique et non pas dans une lecture littéraliste du Coran. 

Le droit à la différence

 


Reconnaître en Europe le droit à la différence, ne peut porter atteinte à l’identité ou à des principes culturels. Les citoyens européens de confession musulmane dans le respect des lois ont le droit démocratique d’exprimer pacifiquement, publiquement et en commun leur foi. L’Islam est séculier, porteur d’un sens élevé de l’humain et les musulmans européens sont une richesse humaine et respectent les lois et valeurs de leur société. Une infime minorité d’intégristes, ignorante, ne peut changer la réalité.


Pour l’Europe, terre des droits de l’homme, ce serait se renier que remettre en cause le droit à la liberté religieuse. Même si tous les Européens ne confondent pas Islam et fanatisme, on constate un emballement inquiétant. Des responsables politiques, notamment de pays qui ne sont pas quittes avec leur passé et qui devraient être prudents, opposent abruptement les valeurs des Lumières ou les valeurs chrétiennes à celles de l’Islam.
Vouloir interdire aux musulmans de vivre leur foi, librement et paisiblement, conduirait au totalitarisme. La rencontre d’autrui, lorsqu’elle est respectueuse de l’altérité, est facteur de civilisation On sort de l’humanisme et du christianisme si on laisse faire la xénophobie. Le sentiment antimusulman est une forme de continuité de l’antisémitisme. En ces temps de crise et de repli, il annonce des lendemains sombres. L’antisémitisme occidental a conduit à l’innommable. Le remplacer par l’islamophobie est plus que dangereux.


A tous les chrétiens d’Occident et de partout, attachés au Message de Jésus, il est important de rappeler le commandement: «Tu aimeras ton prochain comme toi- même», qui est aussi nôtre, et le mot d’ordre du Concile Vatican II: «Le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, Miséricordieux, futur Juge des hommes au dernier jour.» Aux humanistes, de partout, il est urgent de rappeler la Déclaration universelle des droits de l’homme. Aux musulmans d’Orient et de partout, on doit de même leur rappeler ces valeurs, le principe coranique-clé et immuable, «Nulle contrainte en religion» et le mot prophétique: «Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse.»
L’heure est à la solidarité non sélective. Ensemble, confrontés aux mêmes défis, tous les hommes et femmes de bonne volonté doivent dire non au retour de la xénophobie. Le devenir est commun, ou ne sera pas.


Mustapha CHÉRIF

 

Un signe de fraternité

RESTAURATION DE LA BASILIQUE
Un signe de fraternité

Par Mustapha Cherif

Il est des gestes forts qui montrent que le dialogue des cultures, des religions et des civilisations n´est pas un vain mot. La hauteur de vue est le caractère des peuples hospitaliers. Ce lundi 13 décembre, sera célébrée la cérémonie, placée sous le haut patronage de Son Excellence Abdelaziz Bouteflika, président de la République, marquant le renouveau de la Basilique Notre-Dame d´Afrique restaurée sous la maîtrise d´ouvrage de la wilaya d´Alger. «Notre-Dame d´Afrique» rouvrira pleinement ses portes sous de nouveaux habits.
Le projet de restauration a débuté en novembre 2006. C´est un événement qui montre bien que l´Algérie n´est pas une terre antichrétienne. L´amitié islamo-chrétienne est une réalité de l´Algérie musulmane. 

L´Algérie musulmane hospitalière


L´histoire est là pour témoigner que le peuple algérien musulman a toujours été hospitalier. Il fut et reste protecteur pour les croyants des autres religions du Livre. Il a différencié, en conformité avec les principes authentiques de sa religion, comme l´Emir Abdelkader l´a souvent rappelé, entre les chrétiens et le système colonial. Tout comme il sait différencier, aujourd´hui, entres des sectes nuisibles qui pratiquent le prosélytisme agressif et les catholiques paisibles. Sachant que nombre de prêtres, à leur tête le cardinal Duval, durant la guerre de Libération nationale, ont soutenu le peuple algérien pour son Indépendance et plus tard, lors des années de la tragédie nationale, fidèles, ils ont vécu solidairement avec lui.


Il est important que des pays phares comme l´Algérie montrent le chemin, car, partout dans le monde, le recul du droit à la différence et du pluralisme est visible. L´histoire des monuments démontre pourtant que la symbiose sans syncrétisme est la marque des civilisations. Chaque culture emprunte à l´autre des traits universels ou spécifiques. L´architecture, l´art, et tous les domaines de la vie peuvent démontrer que toutes les cultures empruntent aux autres, tout en gardant leur génie propre.


En 1858, l´évêque d´Alger, Pavy, qui correspondait avec l´Emir Abdelkader, fit commencer la construction de la basilique. L´évêque décéda en 1866 et fut inhumé dans le choeur de la basilique qui ne fut totalement achevée qu´en 1872, après quatorze ans de travaux. Une statue en bronze de la Vierge Marie symbolise ce temple catholique. L´architecte, Jean Eugène Fromageau, la construisit sur un plan dit byzantin, inspiré de la Basilique de Sainte-Sophie, à Istanbul, la surmontant d´une coupole pour respecter la dimension orientale du pays.
Son plan offre la particularité d´être orienté avec le choeur au sud-ouest, au lieu de l´est habituellement. Construite sur le promontoire de Bologhine dominant la mer de 124 mètres, au nord d´Alger.


La basilique est considérée comme le pendant d´une autre basilique en rive Nord de la Méditerranée, Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille. En terre d´Afrique de l´Algérie musulmane hospitalière, c´est un monument religieux qui exprime symboliquement la fraternité islamo-chrétienne. Sur le fronton du mur de l´abside, derrière l´autel, on peut lire en arabe, en amazigh et en français: «Notre-Dame d´Afrique priez pour nous et pour les musulmans.» Dernière religion révélée qui se veut synthèse, confirmation et dépassement des révélations antérieures depuis Adam jusqu´à Jésus le Messie, fils de Marie, l´Islam apporte son éclairage et sa singularité définitifs pour la dernière phase de l´histoire de l´humanité.

Aujourd´hui, que le monde dominant est en crise profonde, à cause du «culte du veau d´or», le consumérisme et des formes multiples d´extrémisme, d´idolâtrie et de violence, il est impérieux de dialoguer et de respecter la dignité humaine, bafouée par tant de dérives.
Avoir œuvré ensemble pour restaurer un lieu de prière est un signe que le meilleur est encore possible.

Après plus d´un siècle et demi d´existence et une période de manque d´entretien, la basilique dégradée par les vents marins et les tremblements de terre, surtout celui de mai 2003, a été restaurée grâce à un concours de bonnes volontés, algériennes, (wilaya d´Alger et entreprises publiques et privées), françaises (les collectivités locales de la région Provence-Alpes-Côte d´Azur, le département des Bouches-du-Rhône et la ville de Marseille) et de l´Union européenne, le tout sous l´égide de l´Etat algérien. La basilique a bénéficié ainsi d´une restauration d´envergure, supervisée sur le plan technique par un architecte marseillais Xavier David qui a mené celle de Notre-Dame de la Garde. 

De l´espérance


Le plan de restauration a pu être opérationnel suite aux facilités accordées par les autorités algériennes et au concours des autres partenaires. L´État algérien ainsi que des entreprises algériennes et des filiales d´entreprises françaises en Algérie ont participé à ce montage fort encourageant. Les travaux de restauration ont été confiés à une entreprise française qui s´est associé des compétences algériennes.
Un des points bénéfiques a été l´ouverture d´un chantier Ecole, au profit de jeunes professionnels algériens, notamment issus de la Casbah, pour se former aux métiers de la restauration, de la taille de pierre et de la maçonnerie sur patrimoine ancien. Notre-Dame d´Afrique appartient à l´histoire, c´est un patrimoine commun à tous les Algériens, pas seulement aux chrétiens.


Le dialogue des cultures, des religions et des civilisations est un chemin bénéfique pour tous. Chacun découvrant et appréciant l´autre, par l´interconnaissance, dans le respect de la différence appréhendée comme richesse. Le sens de l´ouvert et la pulsion de vie devant toujours l´emporter sur le repli. La mondialité et les défis communs appellent tous les peuples à échanger et à partager leurs expériences et aspirations.


Au moment où au Moyen-Orient, à cause des politiques iniques d´agression et d´occupation, des actes inadmissibles sont perpétrés par des groupuscules contre des Arabes chrétiens et qu´en Occident, comme hier pour l´antisémitisme, la xénophobie et le sentiment antimusulman s´amplifient, la restauration de la Basilique Notre-Dame d´Afrique est un acte qui montre qu´il n´y a pas que de la violence, de l´intolérance et de l´inimitié dans le monde, mais aussi des signes de respect de l´altérité, de l´amitié et de l´espérance.Professeur des Universités
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