Démocratie et Technologie

 

L’Internet et la jeunesse

Par Mustapha Cherif

 

Les cyberespaces sont en voie de constituer une communication interactive à  grande échelle.


La jeunesse algérienne a peu de loisirs, de rares contacts avec l’extérieur et fait face à  un quasi désert culturel. L’arrivée de l’Internet et la multiplication des cybercafés grâce à  l’irruption des nouvelles technologies de la communication et de l’information dans notre pays, sur la base des efforts bien réels du département ministériel concerné, sont en train de devenir la principale activité des jeunes dans les villes. Même si le chômage et la pauvreté peuvent empêcher la démocratisation de cet outil, c’est un espace d’ouverture sur le monde, porteur d’une certaine liberté de création et d’expression marquée par la faiblesse des lieux de débats et de culture, même s’il est virtuel, c’est-à -dire une forme nouvelle et particulière de la réalité, par définition peut comporter des risques. C’est donc surtout l’occasion d’une nouvelle possibilité pour la participation des citoyens aux débats d’idées et à  la recherche de l’information scientifique et culturelle. La création de l’Université de la formation continue en 1989 avait, en termes précurseurs, initié ce type d’activité, pour, notamment faciliter l’apprentissage des nouveaux métiers et multiplier les canaux d’enseignement.
 


 

La soif de savoir est immense.
Grà¢ce aux multimédias, une nouvelle étape garantissant l’accès de tous au savoir est en train de se réaliser. Reste à  créer à  l’infini des sites algériens, sur tous les plans, des banques de données qui répondent aux besoins des usagers et à  instaurer l’utilisation de l’Internet au niveau de toutes les institutions et entreprises. Dans le monde entier, les spécialistes constatent que cette intelligence de la communication et de l’information facilite le progrès et la modernisation. Les potentialités sont éparpillées, la soif de savoir est immense et la bureaucratie est puissante. L’Internet est le moyen qui facilite le contact, la synergie en temps réel et la transparence. L’isolement des populations peut être réduit et l’absence de participation des citoyens aux décisions qui les concernent, contournée, si on sait généraliser des systèmes Internet et Intranet qui mettent à  la disposition de tous les informations et les documents en vigueur. Des expériences louables existent, il y a lieu de les généraliser.
Le nombre d’internautes et d’ordinateurs par pays et par personne est un nouveau critère pour juger du niveau de développement d’une société. Cela permet d’évaluer le degré d’adaptation au progrès scientifique. Etre analphabète en ces temps modernes, c’est ne pas savoir utiliser et optimaliser l’Internet, l’Intranet et les ordinateurs. Les critères du savoir sont en train d’évoluer. Participer à  cette nouvelle intelligence collective est un passage obligé pour être compétitif sur tous les plans, et démontrer ses capacités à  collecter et diffuser l’information dont on a besoin. Il nous faut faire confiance aux citoyens et, notamment aux jeunes. Non seulement chacun sait quelque chose, qu’il peut donner pour enrichir ses concitoyens et d’autres usagers dans le monde, mais plus encore, il est capable de discernement, afin de ne pas tomber dans les nombreux pièges et limites de ce réseau tentaculaire, où chacun à  besoin de tous.
Garantir l’accès de tous au savoir passe par la multiplication des moyens d’accès Internet, notamment à  haut débit. Il nous faut imaginer comment faciliter, à  tous les jeunes, une formation et des moyens d’acquisition des ordinateurs. Penser aux chômeurs et aux victimes de l’échec scolaire est une priorité. Les multimédias et les autoroutes de l’information dépendent de multinationales, et de puissants centres de décision dans le monde; cela démontre leurs aspects stratégiques. Mais le contenu de ces outils est primordial. Nous devons être créatifs et participer à  la circulation d’informations crédibles et réfléchies sur nos sociétés, afin de servir le développement. C’est là  où on doit prouver notre force et être vigilants.
Promouvoir dans les foyers, les écoles, les universités, les quartiers, les entreprises, la qualité, le respect, la reconnaissance des compétences et des savoirs pour pouvoir ensuite maîtriser et généraliser l’Internet, est un passage obligé. La culture de l’échelle des valeurs et de l’amour de la connaissance, c’est ce qui manque. Plus encore, une dynamique démocratique de l’expression et une valorisation du savoir sont la condition du progrès pour tous. Multiplier les possibilités d’acquisition des outils technologiques est nécessaire mais pas suffisant. Le préalable est de donner la priorité au savoir qualitatif, sur le plan scientifique, pour avoir quelque chose à  dire et à  transmettre et à  la démocratie, sur le plan politique, afin de responsabiliser les citoyens. Ainsi, l’accès de tous aux bienfaits du développement est subordonné à  ces conditions scientifiques et politiques. L’accès au savoir crée de nouvelles formes du lien social, compense l’absence d’espaces de rencontres, et est un moyen incomparable pour gagner en efficacité et temps, mais ne peut remplacer les relations humaines et la lecture des livres. Une dynamique démocratique est la condition du progrèsL’être humain a besoin des autres pour apprendre comment capitaliser des connaissances, les adapter, les vivre. Les jeunes doivent apprendre à  s’ouvrir à  la différence et à  se connaître eux-mêmes pour progresser. C’est une double action, fidélité à  soi, ouverture à  l’autre. On a à  apprendre de tous, de l’étranger, du plus jeune, du plus vieux, du savant évidemment, mais aussi de celui qui a une expérience et du bon sens. Les plus beaux outils sophistiqués, ne pourront rien faire pour nous si des valeurs humaines et un contexte démocratique ne sont pas mis en place. Les jeunes ont pour tà¢che de s’y atteler, personne ne le fera pour eux. Les adultes sont trop occupés à  pérenniser leur pouvoir.
L’Internet ne doit pas être l’occasion de se déresponsabiliser, de s’isoler, mais d’entrer en réseau, de s’engager pour apprendre la culture démocratique, le débat d’idées et l’autocritique. Le but est d’affirmer nos différences, nos aspirations et singularités, de manière constructive, vu que les systèmes dominants refusent de les prendre en compte. Les traditions et les structures sociales maintiennent souvent les citoyens dans l’ignorance et empêchent la circulation de l’information, les connexions et les prises de conscience. Pourtant, ces derniers sont la clef de la stabilité d’une société, la voie de sa bonne santé morale et psychologique et aussi celle de la performance administrative et économique. Les conditions du développement sont: premièrement, la démocratie, deuxièmement, le savoir, troisièmement, le travail. Une société, à  la fois, démocratique, une société du savoir, et une société de l’effort, sera pratiquement imbattable. Ce sera le meilleur soutien et la meilleure base à  la défense préventive du pays. La bureaucratie, l’ignorance et l’autoritarisme, au contraire, fragilisent les sociétés. L’Internet peut contribuer à  démocratiser et à  liquider la bureaucratie. Mais sans vigilance et le sens de la critique, l’interconnexion des ordinateurs peut devenir un moyen de propagande et de manipulation. On constate que les sites Internet sont souvent réactifs et non créatifs.
Les médias lourds, télévision et cinéma, et la presse écrite, pour le moment, ont plus d’impact au niveau de l’opinion publique, mais la tendance dans les années à  venir va changer. Les cyberespaces sont en voie de constituer une communication interactive à  grande échelle.
Alors que les médias classiques imposent à  sens unique leurs informations et loisirs. La rencontre à  l’infini entre internautes, sur des téléphones portables multimédias et autres futures technologies, pour dialoguer, s’informer ou s’instruire va prendre le dessus. Elle va dépasser toutes les frontières culturelles et sociales pour organiser les jeunes autour de centres d’intérêt et de projets personnalisés et communs à  la fois.
La propagande du choc des civilisations va être réduite à  de la fumée, les jeunes ne reconnaissant aucune barrière. Restera à  donner du sens à  ce virtuel qui deviendra une sorte de réel de demain. Il s’agira d’apprendre à  fonder une nouvelle civilisation universelle qui sache se garder des réflexes de la société de consommation, qui est en train de déshumaniser l’humanité. L’Internet, un outil sans pareil qui devrait donner à  penser, pour sortir du sous-développement et non point s’aliéner et tourner le dos à  nos responsabilités.
 

Mustapha Cherif

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