Dialogue culturel Euro-Arabe

UNESCO, Paris 30 Janvier 2013

Dialogue culturel Euro-Arabe

Education et Jeunesse

Par Mustapha Cherif

Son excellence la DG de l’UNESCO, Madame Irina Bokova, excellence, Madame l’ambassadeur de l’UE auprès de l’UNESCO, Monsieur l’Ambassadeur chef du bureau de la LEA auprès de l’UNESCO, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, honorables invités, c’est un grand honneur de m’adresser à votre auguste assemblée. Nous sommes fiers d’être profondément attachés à l’Unesco qui aujourd’hui, sans l’ombre d’un doute, jouit d’une crédibilité exemplaire aux yeux de l’opinion publique internationale et en particulier arabe. Dans un monde en crise permanente, l’UNESCO œuvre pour la paix et le rapprochement entre les peuples avec détermination et notre rencontre en est l’illustration. La problématique posée par le présent colloque est au cœur des enjeux des relations internationales et de l’avenir du monde. Depuis longtemps le monde arabe exprime son souci du dialogue culturel euro-arabe.

Par le passé, autour de la Méditerranée, par delà des moments de heurts, la circulation des cultures a donné au monde une lumineuse civilisation, « judéo-islamo-chrétienne » et « gréco-arabe ». Le défi est de retrouver un ensemble commun, où le pluralisme et le droit à la différence sont respectés.

Cette possibilité est aujourd’hui contredite par le système mondial hégémonique uniformisant, les extrémismes de tous bords et la sous culture consumériste, qui ne favorisent pas l’acceptation d’autrui différent. La jeunesse est perturbée. D’où l’importance d’apprendre à dialoguer. Par l’éducation interculturelle au profit de la jeunesse, il sera possible de réinventer une nouvelle civilisation commune qui fait défaut.

Ce défi exige de nous tous de mettre l’accent sur des normes universelles communes et éduquer au respect du droit à la différence. Apprendre à la jeunesse d’articuler spécificité et mondialité, l’un et le multiple, est la tâche de l’heure. Les principes fondateurs de l’UNESCO et ses «Lignes directrices sur l’enseignement de l’éducation interculturelle» sont une source de références pour tous les éducateurs. Il est utile de rappeler que cinq recommandations font consensus, notamment en ce début de la « Décennie internationale du rapprochement des cultures » :


- Nourrir la culture du dialogue dés le jeune âge.

-Enseigner les bienfaits de la diversité culturelle.

-Créer des outils et espaces pour l’interconnaissance culturelle.

-Utiliser les NTC pour former la jeunesse.

- Favoriser les échanges et les rencontres interculturelles.

Il s’agit d’éduquer à la culture de la paix, à l’acceptation de la différence, de la multi-appartenance et de désaccords raisonnables, afin de favoriser la coexistence. L’interconnaissance est essentielle. Pour qu’une «communauté de culture » ait une existence réelle, les individus qui la composent doivent avoir la possibilité de partager leurs repères, qui donnent du sens à leur vie, chaque fois singulier et la dimension du vivre avec les autres.

Apprendre à vivre ensemble, passe par cette reconnaissance. Il est illusoire autrement de prétendre reconnaître la culture des autres comme telle. Pour ce faire, les programmes éducatifs devront intégrer cette approche du respect mutuel.

À cette condition, l’élargissement de notre sentiment d’appartenance à l’humanité toute entière l’emportera. Chaque jeune doit apprendre que nul ne doit imposer à tous les autres une norme dont il veut qu’elle soit une loi universelle. Nous avons à apprendre à soumettre notre norme à tous les autres, afin d’examiner par le dialogue notre prétention à l’universalité. La référence valable ne consiste pas dans ce qu’un seul monde souhaite unilatéralement, mais dans ce qu’ensemble nous pouvons reconnaître comme une norme universelle.

Avec l’introduction, aux programmes scolaires, de la matière intitulée « Interculturel », nous pourrons, européens et arabes, apprendre à notre jeunesse à pratiquer le dialogue, le débat, la confrontation pacifique des idées, car nul n’a le monopole de la vérité. Mettre en pratique une citoyenneté de l’altérité est une exigence de l’école du futur. Vivre ensemble, dans un paysage de diversités culturelles et de différences multiples, impose des règles et une pédagogie. Se faire comprendre et comprendre autrui n’est pas systématique. Cela nécessite un savoir, des méthodes et un état d’esprit, un nouveau paradigme.

Rien n’est donné d’avance, vivre ensemble en bonne intelligence nécessite un apprentissage. Nous savons que tout être porte en lui deux tendances : l’une est celle de l’égocentrisme; l’autre est le souci du partage. Notre monde en crise confronté à des problèmes multiples, favorise trop souvent la première tendance. Le travail des institutions et des Hommes dotées du savoir et des compétences, ont pour mission de mettre l’accent sur la deuxième dimension.

Permettez-moi de partager avec vous une conviction : conjuguer modernité et authenticité sera possible grâce au dialogue interculturel euro-arabe. D’autant que nul n’est monolithique. Nos cultures sont imbriquées, liées, entremêlées. Nous devons l’inculquer à la jeunesse. Certes, la culture européenne met l’accent sur l’individu et l’exercice de la raison sans condition ; la culture arabe, tout en revendiquant la rationalité, tient à la valeur de l’éthique et de l’être commun.

Les deux approches sont différentes, mais ne sont pas antinomiques. Elles sont complémentaires et ne peuvent que s’enrichir l’une de l’autre. Eduquer la jeunesse sur ces bases permettra de mettre fin aux préjugés et découvrir une vérité historique : nous sommes bien plus proches que ce que les imaginaires des uns et des autres veulent faire croire.

Les NTIC démontrent que les jeunes ne sont pas dupes. Ils savent dépasser les différences, sans les nier. Eduquer une jeunesse ouverte à l’altérité est le meilleur rempart contre toutes les formes de nivellement, d’exclusion et de conflits. Une jeunesse cultivée est le meilleur remède contre la violence. Aucune région du monde n’a le droit d’imposer aux autres sa conception de l’existence. Il n’y a pas d’alternative au dialogue pour apprendre à vivre ensemble. C’est une responsabilité collective.

Je vous remercie.

Mustapha Cherif, Professeur des Universités, spécialiste de la culture arabe et du dialogue des cultures, ancien ministre de l’Enseignement Supérieur (Algérie)

Laisser un commentaire